Je vais vous raconter une expérience que j'ai vécue une nuit: j'ai rêvé à l'amour de Dieu. Je dormais profondément lorsqu’un triangle de lumière est apparu sous mes pieds et m’a soulevé. Sa clarté inondait mon corps d’une bonté et d’une douceur sans pareille. Cette lumière m’a bercé longtemps, par pure miséricorde. J’étais ravi. En réponse à cet amour, je murmurais : « Je t’aime, Jésus. Je t’aime ». Il me semblait que cette lumière bienfaisante ne pouvait être que lui, le Dieu fait homme, qui a pris notre chair pour la revêtir des lueurs de Pâques. C’était tellement incandescent, aérien, gracieux, que je ne voulais pas quitter cet état de pure béatitude. Le psalmiste a bien raison quand il écrit : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (126, 2)

triangle-de-Dieu

 

Un passage de Dieu

À mon réveil, dès l’aube, j’étais aveuglé de joie. Mon âme gardait l’empreinte de ce qu’il me semblait être un passage nocturne de Dieu. J’en respirais le parfum dans mon oraison matinale. La question de Jésus dans l’évangile de ce jour-là s’adressait à moi : « Que veux-tu que je fasse pour toi? » Et de répondre avec le mendiant aveugle de Jéricho : « Seigneur, que je voie! » (Luc 18, 41)

J’avais vu l’amour dans mon sommeil, mais là, en prière silencieuse, je me sentais comme un aveugle. Je prenais conscience que je ne connaissais pas l’amour de Dieu qui surpassait toute pensée, que la lumière divine faisait défaut à mes sens. Je priais pour la voir de nouveau, me rassasier de sa présence. Je répétais le cri du mendiant : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi! » (Luc 18, 38) En Jésus, l’amour invisible du Père était devenu visible à mes yeux endormis.

Joyeuse lumière 

Depuis cette nuit, je sais un peu mieux que l’amour de Dieu est une joyeuse lumière, une douceur extatique, une bienveillance surnaturelle, que je verrai en transparence au moment de passer de la mort à la vie. Un triangle divin, comme trois foyers de lumière qui se communiquent l’amour entre eux. Il ne s’agit pas tellement de comprendre ce mystère trinitaire que de se laisser prendre, puisque je suis fait pour aimer et être aimé.

Quand je regarde le soleil, je suis aveuglé, ce qui ne m’empêche pas de ressentir sa chaleur. Ainsi en est-il pour Dieu : je ne peux pas le voir sans être ébloui, mais je suis en lui, dans la foi, et je participe à sa splendeur.

Dieu est libre de se révéler dans la nuit profonde par une touche d’amour, comme l’exprime Jean de la Croix quand il parle d’oraison. Alors, le rêve dépasse la réalité, ou plutôt, c’est la réalité : Dieu n’est qu’amour. Libre à nous de l’accueillir ou non. On peut fermer la porte, pensant que nous n’avons pas besoin de lui. On peut aussi l’ouvrir, attendant Dieu dans une prière contemplative. Sa lumière peut alors entrer, comme il le fait en plénitude chaque nuit de Noël, de Pâques, et avec cette lumière l’amour, la paix, la joie.  

Je ne connais pas toute la profondeur de l'amour de Dieu, les mots sont impuissants à le dire, mais il me reste le silence, la nuit, la prière, la poésie, la foi pour croire que je suis digne d’être aimé.

Je crois que Dieu réalise son rêve en moi et qu’il y met tout son amour. Mon cœur le sait, c’est pourquoi il veille quand je dors.

Texte paru dans Prions en Église Canada, 16 novembre 2014, p. 35-36.
Pour aller plus loin, Petit dictionnaire de Dieu (Novalis).