À cause de son élévation vers le ciel, la montagne est considérée dans plusieurs traditions religieuses comme un lieu de paix qui rapproche de Dieu. Jésus lui-même se retirait sur les montagnes pour prier son Père.

On retrouve quelques montagnes dans la Bible où se vit l'expérience de la rencontre de Dieu: Sinaï, appelé aussi Horeb; Sion qui désigne Jérusalem; les montagnes anonymes de la multiplication des pains chez Jean, des béatitudes chez Matthieu, et de la transfiguration, que la tradition identifie comme le Thabor.

Cette montagne est une véritable oasis de paix qui surplombe la Galilée. J'ai eu la grâce de m'y rendre un jour lors d'un cours biblique en Israël et je n'oublierai jamais le calme qui y régnait. Vous avez peut-être déjà ressenti cette expérience de plénitude intérieure quand on prie, seul ou avec d’autres, sur la montagne. L'air devient plus frais à mesure que l'on monte, le corps se fatigue et l'âme lui vient en aide comme un vieux couple qui avance en silence. Tout s'intériorise. Arrivé au somment, l'immensité se découvre et l'on devine parfois le mystère d'une présence plus grande que soi, intime et lumineuse. Nous vivons alors une sorte de transfiguration.

Saint Jean de la Croix se sert des images de la montagne et de la colline dans La montée du Carmel pour évoquer Dieu qui vient à nous lorsqu’on s’élève vers lui dans le silence amoureux de l’oraison, appelée aussi prière contemplative. Dans cette montée, qui est une descente en soi, nous pouvons vivre des moments de transfiguration qui nous préparent à affronter l’épreuve de la croix. Le poète carme compare l'Époux divin au cerf qui gravit les hauteurs et accourt vers sa compagne pour la consoler. L'Époux est blessé d'amour par notre propre blessure.

Cerf montagne

« L’Époux se compare au cerf. On sait que le cerf a la particularité de gravir les hauteurs ; s’il est blessé, il cherche en toute hâte du rafraîchissement dans les eaux limpides. S’il entend gémir sa compagne et sent qu’elle est blessée, il accourt aussitôt auprès d’elle pour la consoler et la caresser. Tel est le mode d’agir de l’Époux à présent. Il voit que son Épouse est blessée d’amour. En l’entendant gémir, il est, lui aussi, blessé d’amour pour elle. On le constate entre ceux qui s’aiment : la blessure de l’un est une blessure pour l’autre ; ce que l’un ressent, l’autre également le ressent. L’Époux semble donc dire : Ô mon Épouse, reviens à moi ; si tu es blessée d’amour pour moi, moi aussi, comme le cerf, je suis par ta blessure blessé d’amour pour toi; je suis encore comme le cerf, en apparaissant sur les hauteurs. Voilà pourquoi il dit qu’il apparaît sur le sommet de la colline. C’est-à-dire sur les hauteurs de la contemplation où votre vol vous a élevée. La contemplation, en effet, est un lieu élevé d’où Dieu commence à se communiquer et à se montrer en cette vie; mais il n’achève pas; car il ne dit pas qu’il achève de se montrer, mais qu’il se montre. Voilà pourquoi, si hautes que soient les connaissances de Dieu qui sont données à l’âme en cette vie, elles ne sont que des apparitions très imparfaites. » (Jean de la Croix, Le Cantique spirituel, dans Œuvres spirituelles, Seuil, 1947, p. 746-747).

Texte publié en partie dans Prions en Église du Canada, 9 août 2015, p. 36.