Les anges ne sont pas l’apanage unique des grandes religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam. On les trouve bien avant dans les traditions animistes et chamaniques anciennes. La figure de ces êtres célestes se retrouve aussi, sous différentes formes, dans l’hindouisme et la mythologie grecque. Mais ce sont les peuples sémites établis en Mésopotamie qui contribueront à façonner la figure de l’ange biblique que nous connaissons. La nature et les fonctions des anges se préciseront tout au long de l’histoire d’Israël. 

L’ange biblique

On a déjà répertorié 549 versets bibliques concernant les anges dans l’Ancien Testament et 203 dans le Nouveau Testament (sans compter les références aux démons ou esprits mauvais). Ces saints messagers, que Dieu envoie pour faire connaître sa volonté aux hommes, traversent la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse. Au jardin d’Éden, ils gardent « l’accès de l’arbre de vie » (Gn 3, 24); avec Jésus, ils sont envoyés aux différentes églises : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » (Ap 22, 16) 

Dans la Bible, l’ange est présenté comme un être personnel, différent de Dieu et des hommes. Il habite dans les cieux, entoure le trône de Dieu, apparaît aux hommes sous une forme visible, lumineuse, pour les guider et les protéger. Il est souvent vêtu d’un vêtement blanc, symbole de la pureté. Bien que n’ayant pas de sexe, étant entièrement dégagé de la matière, il prend parfois l’apparence d’un enfant ou d’un jeune homme, signe de son immortalité. 

En 787, le concile de Nicée II a autorisé la représentation des anges sous forme humaine. Dans l’imagerie populaire, on les dépeint avec des ailes pour souligner qu’ils sont de purs esprits, prompts à obéir à Dieu. 

L’Ancien Testament 

Dans l’Ancien Testament, les anges servent à la réalisation du dessein de Dieu. Ils protègent Lot (Gn 19), sauvent Agar et son enfant Ismaël (Gn 21, 17), retiennent la main d’Abraham qui s’apprête à sacrifier son fils Isaac (Gn 22, 11). Ils apparaissent à Jacob sur l’échelle mystérieuse qui inspirera bien des peintres et des mystiques (Gn 28, 12). Jésus s’y réfère indirectement : « vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (Jn 1, 51) 

Les anges conduisent aussi le peuple de Dieu : « Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t’ai préparé. Respecte sa présence, écoute sa voix. Ne lui résiste pas : il ne te pardonnerait pas ta révolte, car mon nom est en lui. » (Ex 23, 20-21). Ils annoncent des naissances prodigieuses (Jg 13, 3-7), assistent les prophètes Élie (1 R 19, 4-8), Isaïe (Is 6, 1-4), Ézéchiel (Ez 10), Daniel (Dn 6, 23), pour ne nommer que ceux-là. Ils sont présents dans le livre de Job et occupent une place centrale dans le livre de Tobie, surtout l’archange Raphaël, qui livre un message de paix : « Ne craignez pas ! La paix soit avec vous ! Bénissez Dieu à jamais ! » (Tb 12, 7). 

Enfin, les anges, cités à plusieurs reprises dans les Psaumes, participent à la louange du cosmos : « Vous, tous ses anges, louez-le, louez-le, tous les univers. » (Ps 148, 2) Ils bénissent le Seigneur, inspirent le peuple à goûter sa bonté et sa protection.

Le Nouveau Testament

annonciation

Les anges sont moins évoqués dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien. Ils s’effacent lorsqu’apparaît Jésus, puisqu’il est au-dessus d’eux; il est le centre et le sommet de la Révélation : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). Présents au début de sa vie terrestre, les anges réapparaissent à son agonie et au matin de Pâques, retrouvant ainsi leur fonction de messagers de Dieu.

Luc, par exemple, commence son évangile par deux apparitions : celle d’un ange annonçant à Zacharie la naissance de Jean Baptiste (Lc 1, 11-20); celle de l’archange Gabriel annonçant à Marie la naissance du Sauveur (Lc 1, 26-38). Dieu entre charnellement dans notre histoire par l’Esprit qui prend Marie sous son ombre. Pour l’évangéliste Matthieu, un ange apparaît, en songe, à Joseph, et lui demande de prendre avec lui son épouse et l’enfant. Il accepte ce mystère « tenu caché depuis les siècles en Dieu » (Ep 3, 9). Il s’en remet librement à Dieu, comme Marie l’avait fait à l’Annonciation. L’ange lui ordonne aussi de fuir en Égypte avec Marie et Jésus, puis de rentrer en Palestine à la mort d’Hérode (Mt 2, 13-23). La victoire du Messie ne se fera que par l’humilité et l’anéantissement, non par la force et la guerre.

« Le Verbe s’est fait chair, et les journalistes de ce temps-là n’en ont rien su! », écrivait Bernanos dans son Journal d’un curé de campagne. Sauf les anges. Dans le silence de la nuit, un ange annonce aux bergers l’heureuse nouvelle : 

Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. (Lc 2, 11-14) 

Ce chant des anges ne cessera jamais de résonner dans la louange de l’Église. 

Jésus et les anges

À son entrée dans la vie publique, les anges servent Jésus au désert, après qu’il a subi les assauts de Satan et triomphé des tentations : « Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient. » (Mt 4, 11) Ils le réconfortent dans son agonie (Lc 22, 43), même s’il aurait pu être sauvé par eux : « Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. » (Mt 26, 53) 

Les anges roulent la pierre du tombeau et apparaissent aux femmes leur annonçant la Bonne Nouvelle de la Résurrection (Mt 28, 1-3; Mc 16, 5; Lc 23, 4-6). Ils témoignent du Premier-né d’entre les morts à Marie Madeleine, tout en pleurs, près du tombeau : « Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. » (Jn 20, 12) Quand Jésus remonte vers le Père, ils réconfortent les disciples en ravivant l'espérance de son retour en gloire. « 

Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (Ac 1, 11) 

Quand il parlait de la fin des temps et de la résurrection des morts, Jésus disait qu’on ne prenait ni femme ni mari, « mais on est comme des anges dans le ciel » (Mt 22, 39). Il montre dans une parabole que le royaume des cieux est comparable à un filet qu’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de choses. Les pêcheurs font alors le tri de ce qui est bon ou non. « Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes » (Mt 13, 49). Dans la parabole de l’ivraie, semée par le diable, et du bon grain, semé par le Fils de l’homme, il explique que la moisson signifie la fin du monde et que les moissonneurs sont les anges. 

De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (Mt 13, 40-43)  

Les débuts de l’Église

Dans les Actes des Apôtres, l’Église naissante expérimente le ministère défenseur et protecteur des anges. Pendant la nuit, un ange ouvre les portes de la prison et fait sortir les Apôtres (Ac 5, 19). Un autre s’adresse à Philippe et lui dit de prendre la route qui descend de Jérusalem à Gaza (Ac 8, 26). Un ange entre dans la maison de Corneille et lui demande d’envoyer des hommes à Jaffa et de faire venir Pierre (Ac 10, 3-8). Ce même Pierre expérimente la protection de l’ange, le libérant de ses chaînes dans la prison (Ac 12, 7-11).

Un ange apparaîtra aussi à Paul pour lui dire qu’il ne périra pas en mer (Ac 27, 23). Ce même Paul écrira : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. » (2 Co 13, 1) Ce qui ne l’empêchera pas de s’extasier devant le grand mystère de l’Incarnation : « Assurément, il est grand, le mystère de notre religion : c’est le Christ, manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, apparu aux anges, proclamé dans les nations, cru dans le monde, enlevé dans la gloire ! » (1 Tm 3, 16)

Tout au long de son histoire, l’Église vénérera ces esprits célestes qui la défendent contre le mal et la conduisent au cœur même du mystère de la Croix. Elle sollicite leur intercession, alors que ses membres marchent « vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête. » (He 12, 22) Ce sont eux qui portent nos prières vers Dieu.

Et j’ai vu les sept anges qui se tiennent devant Dieu : il leur fut donné sept trompettes. Un autre ange vint se placer près de l’autel ; il portait un encensoir d’or ; il lui fut donné quantité de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or qui est devant le Trône. Et par la main de l’ange monta devant Dieu la fumée des parfums, avec les prières des saints. (Ap 8, 2-4)

Ce texte est tiré en partie du chapitre 3 de mon livre En présence des anges (Emmanuel / Novalis).
Lire aussi cet article du blogue: En présence des anges.

 Vidéo de 21 minutes, ajoutée le 6 juillet 2020.