Michel-Marie Zanotti-Sorkine, prêtre très connu en France pour ses écrits et prédications de feu, a rédigé un petit livre sur la mort qui a piqué ma curiosité. Je vous dirai pourquoi à la fin. Quand je ne serai plus là est une lettre de soixante-dix pages qu’un père de deux enfants, marié depuis plus de trente-cinq ans, écrit à son fils Emmanuel avant de mourir. Il est atteint d’un cancer et les médecins ne lui donnent plus que six mois à vivre. Il prend donc la plume pour livrer ses dernières volontés et ne pas rater sa sortie.

Zanotti Sorkine 

Ce récit fictif, écrit finement avec le sang du cœur de l’auteur, se lit en moins de deux heures. Il peut nous être utile, puisque nous allons tous mourir un jour. Mais contrairement au narrateur, nous ne savons pas quand. Seul l’amour demeure qui prend les visages de la disponibilité offerte, de l’aide accordée, de la présence gratuite. Le père demande donc à son fils qu’il soit là pour sa mère quand lui n’y sera plus : « Faut-il donc mourir pour s’arrêter enfin ébloui sur la splendeur d’un lien » (p. 17). Ça me rappelle cette maxime de Thérèse d’Avila : « Vivre toute sa vie, aimer tout son amour, mourir toute sa mort ».

Le narrateur aime la vie, c’est peut-être pour cela qu’il accueille sereinement « notre sœur la mort corporelle », comme l’appelait François d’Assise. Il croit que son âme sera emportée près du crucifié qui a dit un jour : « Celui qui croit en moi ne mourra jamais ». Mais il reste les affaires du monde à régler, le corps, les obsèques, l’enterrement. Rien n’est laissé au hasard dans les vœux du père au fils : mourir à la maison non à l’hôpital, laver la dépouille dans la chambre, l’habiller comme s’il allait à des noces, réciter une prière qu’il a lui-même composée, une messe sans chants et discours, pas de crémation, pas de fleurs, mais des messes chantées par les Pères Chartreux.

On le voit bien, à travers le genre épistolaire, l’auteur se glisse dans la peau du narrateur pour livrer lui-même sa vision de la vie et de la mort. Et quel est le nom du narrateur? Jacques Gauthier. Eh oui, et avec un h, ce qui est moins fréquent en France qu’au Québec.

C’est un prêtre capucin d’Ottawa qui m’a parlé de ce livre que je ne connaissais pas. Il m’a laissé un message privé sur ma page Facebook : « Est-ce que Zanotti-Sorkine t’a demandé l’autorisation d’utiliser ton nom? Tes livres sont publiés en France, il doit avoir vu ton nom quelque part ». Je lui ai répondu que c’était probablement une pure coïncidence. Mais si un jour j’écris une fiction en prenant le nom de Michel-Marie Zanotti-Sorkine, disons que le hasard est moins probable.

J’ai beaucoup écrit sur la mort : des poèmes, des articles, un récit d’accompagnement des derniers jours de mon beau-père : Récit d’un passage. La mort m’enseigne beaucoup sur la précarité des choses, la fragilité des êtres, le don de la vie, le désir d’aimer, l’importance du salut en Jésus Christ. Dans un prochain recueil de poèmes à paraître, au titre provisoire Un souffle de fin silence, j’évoque ma mort et je livre mes dernières volontés. Mieux vaut se préparer quand on est en santé. Peut-être même que j’écrirai une lettre à mon fils, ou à l’une de mes filles, moi qui suis également marié depuis plus de trente-cinq ans. Qui vivra verra. Pour le moment, tout va.

J’ai aimé ce petit livre du père Michel-Marie qui se lit d’un trait. Je le remercie d’avoir écrit sans le savoir cet avis de décès que je fais mien pour l’avenir. Comme quoi il y a de ces clins d'oeil dans la vie qui la rend si belle.

« Mon mari, et notre père,
Monsieur Jacques Gauthier
s’en est allé pour l’autre monde
tout en ayant follement aimé celui-ci.
Conscient de ce qui l’attendait,
il s’est préparé avec cœur à rencontrer l’Inconnu
en recevant l’amour des siens et l’Onction Sainte.
Voici les dernières paroles qu’il a tenu à nous adresser :
« Je vous attends tous au paradis,
mais ce n’est pas une raison pour presser le pas!
Priez pour moi si vous croyez en plus grand que vous. » (p. 71)
 

Michel-Marie Zanotti-Sorkine, Quand je ne serai plus là, Paris, Robert Laffont, 2015, 78 pages, 8,50€.

En complément: Récit d'un passage, Parole et Silence / Novalis, 2016, 188 pages.