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Le blogue de Jacques Gauthier

Le voyage de l'absente

le_voyage_de_labsenteLe voyage de l'absente, Impressions de voyage, Ripon, Écrits des Hautes -Terres, 140 pages, 1999.

Impressions du voyage de l'auteur en Italie et aux Pays-Bas, ce texte inspiré est marqué au sceau de la maîtrise, de l'érudition, de la sensibilité et de la sensualité. Le désir et l'amour ressentis pour la femme aimée y guident tout autant ses pensées que les hauts lieux de l'art et de l'histoire.

 

Le départ

 

Au début, il y a le baiser malhabile, improvisé au terminus d'Ottawa. Puis, cette étrange sensation d'être vu de l'intérieur. Plus rien n'existe que ce baiser, ce regard, la bienfaisante distance entre nous.

Ensuite, il y a le geste rapide de partir. Ta main fend mon coeur en quarantaine, une bulle d'air, un souffle qui veut durer. Ce geste fugitif me donne l'impression d'être hors du temps, en passage, étranger dans l'autocar, comme sur un air de Leonard Cohen.

Cet au revoir m'accompagne jusqu'à l'aéroport de Mirabel. Il s'agrandit en moi, s'inscrit dans l'extension de mon désir. Le geste de ta main, chargé d'un regard d'amour, est tombé à jamais dans ma mémoire. Il investit mon présent d'un poids d'éternité.

Bientôt Assisi, Perugia, Siena, Firenze, Milano, Verona, Venezia, San Marino, Roma, 'sHertogenbosch, Amsterdam, pour le plaisir de les nommer, de commencer ce voyage en épelant ces lieux d'écriture. Je fréquente déjà ces absentes qui cachent ton visage.

Je pars avec ton odeur imprimée sur mon corps, comme un toucher qui affecte ma façon de prendre le paysage, une blessure qui escamote mes habitudes. En n'étant pas là, tu seras plus présente, de cette présence qui manquera peut-être à chaque lieu que je visiterai. Ma prose te sera jumelée, comme une étape de plus, une méditation d'amour avant le retour. Le voyage aménage l'espace dans un enchevêtrement de sens où la beauté est suivie à la trace.

Écrire, c'est voyager sans partir, disparaître, sans l'inconvénient de changer de place et de bagages. Écrire, c'est partir une seconde fois au creux de sa solitude. Écrire, pour ne pas mourir, comme le chante si bien Anne Sylvestre, pour sauver de l'oubli, pour ne pas sombrer. Écrire, pour suivre cet appel au-delà de moi-même, pour me confronter à ce qui me résiste et me découvre.

Je m'écris en t'écrivant. Je voyage en écriture pour tenter de te rejoindre sur l'autre rive des mots, où brûle une joie intense sous les étoiles, à cause d'une fleur qu'on ne voit pas, disait Le petit prince . Je te porte en moi, fleur invisible, corps de femme, parole enfouie qui sort du néant et que je couche sur la page blanche pour la joie d'être aimé.

En recevant mes mots, tu me fais la plus belle des offrandes. Quelle étrange proximité! Ton corps est caché dans ma joie. Le toucher dans les villes peuplées de ton absence, c'est fouler une terre sacrée.

Le dormeur en moi s'éveille de l'abîme pour te rencontrer dans le vertige de l'écriture. J'expatrie des mots qui vont t'enfanter à chaque page, à chaque ville. Je ne m'attriste pas de l'indigence de mon verbe, puisque je porte la parole de ton visage et celle des poètes voyageurs.

Mes villes sont des villes de vision qui me donnent assez de souffle et de mots pour agrandir mon territoire d'amour. Des chefs-d'oeuvre incandescents jaillissent de leurs forges étincelantes. Mes villes sont fortes de l'absence qui les écoute sans rien demander. En les observant attentivement, on leur arrache des secrets. En fréquentant leurs visionnaires, elles livrent ce qu'elles gardent aux promeneurs solitaires qui savent encore rêver entre leurs murs, et qui se sentent exister à cause d'une femme qui les attend, quelque part, au bout du monde.

Place aux artistes! Les peintres d'abord, ces enfants des villes qui jouent avec l'ombre et les couleurs pour faire vivre à jamais la lumière de leurs propres ciels! Puis les autres, poètes, musiciens, sculpteurs et architectes, ces témoins du tragique qui brillent sous le ciel de nos attentes comme la lucidité d'une conscience! Ils ont envahi les villes de leurs espoirs et de leurs échecs, y perdant souvent leur temps pour mieux en connaître l'âme.

Ce livre n'est pas à proprement parler un récit, un journal, une histoire, un essai, mais des impressions, au sens que Montaigne donnait à ce mot: l'action d'un corps sur un autre. Les corps des cités pressés sur le mien appellent ton corps et mes mots. Je veux donner une voix à ton silence, la capter dans mon écriture où tu prends vie. Toucher ce livre, c'est te toucher dans l'absence, au-delà du lien narratif et anectodique.

Mais au début, vraiment au début de ce voyage, avant que le récit ne prenne forme en lettre d'amour, et que l'art ne laisse sa marque sur mes mots, il y a eu cette phrase en moi qui a déclenché tout le reste: "Si je meurs, je voudrais que tu rencontres une ville qui te donne toute la tendresse que je n'ai pas pu te donner".

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Le secret d'Hildegonde
Les chemins de l'Évangile
 

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vendredi 29 mars 2024

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