Le blogue de Jacques Gauthier
Réflexions du pape François sur la liturgie
Le 29 juin 2022, le pape François a publié une lettre apostolique d’une grande profondeur spirituelle sur la formation liturgique du peuple de Dieu : Desiderio desideravi. Le titre reprend les premiers mots de la parole de Jésus avant le dernier repas avec ses disciples : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (Lc 22, 15)
Pour un « nous » ecclésial
Un an après la publication de son Motu Proprio Traditionis custodes, le Pape transcende les querelles liturgiques en offrant à tous les fidèles « quelques pistes de réflexion qui puissent aider à la contemplation de la beauté et de la vérité de la célébration » (no 1). Il ne revient pas sur telle pratique ou telle forme liturgique, si ce n’est de rappeler l’importance d’observer le rite romain selon les décrets du Concile Vatican II, « afin que l’Église puisse élever, dans la variété de tant de langues, une seule et même prière capable d’exprimer son unité » (no 61).
Contemplation, beauté, vérité, émerveillement, formation, unité, tels sont les mots-clefs de cette lettre qui, en 65 numéros, reprend quelques fondements théologiques de la célébration liturgique, dans la ligne du document Sacrosanctum Concilium de Vatican II. La liturgie est présentée comme le lieu de la rencontre avec le Christ ressuscité. Il désire nous attirer à lui dans « l’aujourd’hui » de nos célébrations, même si nous n’en sommes pas conscients : « Chaque fois que nous allons à la Messe, la raison première est que nous sommes attirés par son désir pour nous » (no 6). Nous répondons à ce désir du Christ en nous abandonnant à son amour, en nous laissant attirer par lui, en vivant profondément le baptême reçu.
« La liturgie est le sacerdoce du Christ révélé et donné dans son Mystère Pascal, rendu présent et actif aujourd’hui par des signes sensibles (eau, huile, pain, vin, gestes, paroles) afin que l’Esprit, en nous plongeant dans le mystère pascal, transforme toute notre vie, nous conformant toujours plus au Christ » (no 21).
La liturgie n’appartient pas à un individu, mais au Christ-Église; elle ne dit pas « je », mais « nous ». Elle est l’antidote contre le venin du subjectivisme, du narcissisme et de la mondanité spirituelle, thème cher à François. Il insiste sur le choix de respecter les rubriques, d’utiliser les livres liturgiques approuvés par Rome et de célébrer dans la beauté en soignant tous les aspects de la célébration. « Une telle attention suffirait à ne pas priver l’assemblée de ce qui lui est dû, c’est-à-dire le mystère pascal célébré selon le rituel établi par l’Église » (no 23).
S’émerveiller devant le mystère pascal
Le Pape ne sépare pas théologie et vie, liturgie et expérience. Il montre que l’émerveillement est un élément essentiel de l’acte liturgique. Il ne se réduit pas à un vague sens du mystère que produirait le rite, mais à l’admiration du salut de Dieu envers nous. L’altérité de sa présence bienfaisante engendre notre prière et rend la vie plus belle. « La beauté, tout comme la vérité, suscite toujours l’admiration et, lorsqu’elle est rapportée au mystère de Dieu, elle conduit à l’adoration » (no 25)
Cette phrase me rappelle mes années de professeur à l’Université Saint-Paul d’Ottawa où j’enseignais la pastorale liturgique avec admiration et ferveur. Je commençais le cours par cette question : Les célébrations liturgiques des sacrements transforment-elles la vie des chrétiens?
Le Pape pose la même question dans d’autres termes : « Comment retrouver la capacité de vivre pleinement l’action liturgique » (no 27) ? Par la beauté des gestes et des symboles, la vérité des mots et des silences, qui nous font entrer dans une expérience de salut avec tout le corps. Il est donc vital que les baptisés bénéficient d’une authentique formation liturgique pour mieux se conformer au Christ. « Seule l’action de l’Esprit peut parfaire notre connaissance du mystère de Dieu, qui n’est pas une question de compréhension mentale, mais de relation qui touche toute la vie » (no 39).
Le Christ vient à nous par les sacrements, qui sont les signes de la grâce divine et les actes de langage symbolique de l’Église. Nous allons à Dieu tout au long de l’année liturgique en célébrant dans le temps le Christ et ses témoins. Le grand défi est de retrouver le sens du symbole comme moyen de connaissance de Dieu et chemin vers le mystère du Christ, d’être capable de lire les symboles pour mieux les vivre. Cette lecture symbolique conduit à une expérience de tout l’être qui n’est pas seulement intellectuelle.
« La liturgie se fait avec des choses qui sont l’exact opposé des abstractions spirituelles : le pain, le vin, l’huile, l’eau, les parfums, le feu, les cendres, la pierre, les tissus, les couleurs, le corps, les mots, les sons, les silences, les gestes, l’espace, le mouvement, l’action, l’ordre, le temps, la lumière. Toute la création est une manifestation de l’amour de Dieu, et à partir du moment où ce même amour s’est manifesté dans sa plénitude dans la croix de Jésus, toute la création a été attirée vers lui » (no 42).
Les prêtres doivent donc s’appliquer à l’art de la célébration en prenant soin des symboles liturgiques. Ils n’ont pas à personnaliser la célébration en devenant le centre de l’attention. « Présider l’Eucharistie, c’est être plongé dans la fournaise de l’amour de Dieu » (no 57). Le Pape rappelle que « c’est l’Église, le Corps du Christ, qui est le sujet célébrant et non pas seulement le prêtre » (no 36). D’où l’importance du silence liturgique, qui est « le symbole de la présence et de l’action de l’Esprit Saint qui anime toute l’action de la célébration » (no 52).
Par cette lettre apostolique, où se côtoient théologie, spiritualité et pastorale, le pape François livre aux fidèles une magnifique catéchèse sur la présence de Dieu dans la liturgie. On y perçoit au fil des pages son grand amour du Christ et de l’Église. Il termine par ce cri du cœur :
« Abandonnons nos polémiques pour écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Église. Sauvegardons notre communion. Continuons à nous émerveiller de la beauté de la liturgie. La Pâque nous a été donnée. Laissons-nous toucher par le désir que le Seigneur continue d’avoir de manger sa Pâque avec nous. Sous le regard de Marie, Mère de l’Église » (no 65).
Pour lire la lettre du pape en français, cliquez ici.
Pour lire mes autres articles du blogue sur la liturgie, cliquez ici.
Voir aussi les chapitres sur la liturgie dans mon livre: La prière chrétienne, guide pratique.
Vidéo de 20 minutes dans ma chaîne YouTube à partir de mon article sur la formation liturgique avec le pape François.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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