Le livre Val Notre-Dame. L’abbaye dans les bois, des photographes Bruno-Jean Rotival et frère Bruno-Marie, a été couronné en mai 2018 du prix Livre à thématique spirituelle de Communications et Société. Le jury a tenu à souligner la qualité, la beauté et l'universalité de cet ouvrage photographique «qui présente un beau paradoxe : des moines ouverts sur le monde vivant cloîtrés dans un monastère.» 

Val Notre Dame

Un prix a ceci de bon qu’il donne parfois une nouvelle vie à une œuvre. Il y a déjà quelques mois, j’avais lu et contemplé ce beau livre. Je voulais en parler sur ce blogue, mais d’autres articles ont monopolisé mon temps, puis j’ai oublié. Il faut dire que j’ai un attachement particulier à cette communauté cistercienne, puisque je l’ai connue de l’intérieur lorsqu’elle était enracinée à Oka, où j’ai vécu une expérience monastique de 1973 à 1977. De plus, il y a deux ans, j’ai donné la retraite annuelle à la vingtaine de moines qui habitent maintenant au Val Notre-Dame. J’ai eu le temps de m’imprégner du parfum de ces lieux, même en hiver, où le désert blanc épouse le dépouillement des moines.

Ce livre est né du désir de Bruno-Jean Rotival, qui se spécialise depuis plus de 30 ans à la photographie en milieu monastique. Il voulait partager la beauté de la nouvelle abbaye, cet écrin de verre niché au cœur d’une forêt de Lanaudière, entourée de monts et collines, près de St-Jean-de-Matha. Dans un épilogue révélateur, il partage son art poétique de la photographie, où le regard se consacre à l’être, entre silence et contemplation, ombre et lumière, noir et blanc, sans oublier « la couleur vibrante, aveuglante et priante de Val Notre-Dame, cette couleur nécessaire, indispensable pour que s’illumine la prière des frères de saint Benoît » (p. 240).  

L’abbaye Val Notre-Dame n’a pas jailli des bois par enchantement. Elle a été mûrie lentement par les moines d’Oka, dessinée par l’architecte Pierre Thibault, qui a merveilleusement relevé le défi « d’inscrire dans l’espace » l’équilibre que recherche la vie monastique. Ici, le visible reflète l’invisible, le temps fleurit en éternité, au rythme de l’année liturgique qui unifie toute la vie.

Le livre est à l’image de cette réussite architecturale, magnifiquement édité par les éditions Médiaspaul à Montréal. Il témoigne, en une sorte de théologie de la beauté, de l’unité des lieux et des cœurs, de ces « regards et jeux dans l’espace », pour reprendre le titre du chef-d’œuvre de Saint-Denys Garneau. Les 250 photos qu’on y trouve se répondent comme en écho, de l’extérieur à l’intérieur, révélant l’indicible présence. De l’extérieur, par les images colorées de frère Bruno-Marie, qui s’est découvert un talent de photographe ; nous lui devons la photo de la couverture du livre. De l’intérieur, par les photos encadrées de Bruno-Jean Rotival, où les corps des moines psalmodient l’office avec les paysages qui les entourent. « La campagne tout entière est en fête. Les arbres des forêts dansent de joie » (Ps 95, 12). L’abbaye elle-même devient forêt pour célébrer le mystère pascal au fil des saisons. . 

 Ce livre nous voit, écrit Gabriel Ringlet dans la préface. Il entre dans l’esprit par les cinq sens, attendant qu’on le caresse pour qu’il nous parle de l’autre parole, de l’âme du monde. Il chante en nous comme un doux poème. « Car L’Abbaye dans les bois est d’abord un magnifique poème spirituel qu’une photographie tendre et imaginative a su mettre en musique » (p. 17). Pour le père abbé, André Barbeau, l’objectif de la communauté est de « partager le goût du divin » par « l’expérience spirituelle, l’expérience de la nature et l’expérience de nos produits » (p. 79).

Nous sommes donc invités à un voyage intérieur, en photos et en mots, où l’abbaye de lumière symbolise notre être en devenir. Nous partons en promenade, le temps d’une migration, de Bellefontaine en France à Oka, puis à Val Notre-Dame, théâtre actuel de la Grande Maison. Les textes se font tour à tour historiques, méditatifs, poétiques, mystiques. Ils renvoient aux images, et celles-ci aux moines, qui font signe, et qui nous font signe, au détour d’une croix, d'une prière, d'une présence. 

Pour aller plus loin : consulter le site de l’abbaye Val Notre-Dame.
Lire aussi mon livre sur la spiritualité cistercienne, Saint Bernard de Clairvaux (Le Figaro – Presses de la Renaissance).