Ricardo Langlois pour La Métropole : Bonjour Jacques, je vous ai connu dans les années 2010 par votre blogue, j’aimais commenter vos articles. Vous avez une feuille de route impressionnante. D’abord vous avez été moine pendant quatre ans avant d’être professeur à l’Université Saint-Paul d’Ottawa. Pourquoi avoir quitté la vie monastique? Parce que ce n’était pas là que le Seigneur me voulait, tout simplement. Je suis entré à l’abbaye cistercienne d’Oka en septembre 1973, après un séjour de six mois à la communauté de l’Arche en France, où je vivais avec des personnes handicapées. J’ai ressenti un appel du Christ à me consacrer à lui dans la prière. Cet appel, comme toute vocation, ne s’explique pas vraiment, ça se vit. À l’Arche, je découvrais la prière contemplative, la vie mystique avec saint Jean de la Croix, j’étais ravi par la figure du Christ. Je le suis encore. J’ai vécu quatre ans à...
Le blogue de Jacques Gauthier
La théologie gagne beaucoup à la fréquentation de la poésie et inversement. Dieu ne peut pas se dire totalement dans un langage discursif et rationnel. La poésie lui offre une langue qui lui permet de nous révéler une part de son mystère. Elle donne une forme au silence, tente de rendre visible l’invisible, d’approcher le mystère. La poésie est donc vouée à un certain échec qui fait sa grandeur : totalement inutile, elle nous est nécessaire dans notre monde régi par l’utilitarisme. Le poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) parle souvent de "théopoésie", qui n’est pas de la théologie en vers, mais le langage le plus apte à dire Dieu, à cause de sa dimension symbolique, qui exprime le désir sans l’épuiser, qui fait éclater le sens sans rien imposer. Pour lui, la théopoésie est le service de Dieu par la poésie, la parole d’un homme à l’écoute de l’autre Parole pour...
Entretien avec Clémence Houdaille pour La Croix, Paris, vendredi 14 octobre 2022 : « L’Église ne peut être que résurrection ». Jacques Gauthier. Conférencier, poète et essayiste, le Québécois a publié plus de 80 ouvrages de spiritualité. Il se livre aujourd’hui dans une « autobiographie spirituelle ». Après avoir consacré tant d’ouvrages à des figures spirituelles et poétiques, vous avez décidé de vous livrer dans une « autobiographie spirituelle ». Pourquoi ?Jacques Gauthier : J’aime mieux parler des autres que de moi-même. Mais, avec la pandémie, j’ai eu du temps pour faire cette rétrospective sur mon parcours, et surtout sur les traces de Dieu dans ma vie. C’est quelque chose que je n’aurais pas pu faire à 40 ans. Mais à 70 ans, après avoir vécu des moments de désert, de nuit, c’est différent. J’ai vu partir aussi mes parents, qui sont morts il y a quatre ans, à trois mois d’écart. Je leur...
Voici l'introduction de mon autobiographie spirituelle, En sa présence. Paris / Montréal, Artège / Novalis, 336 pages, 21,90€, 29,95$. Parution: 14 septembre 2022. Écrire sur les autres, sous forme d’études ou de biographies, cela me va. Mais écrire sur moi, c’est une autre paire de manches. J’ai résisté longtemps, peut-être par manque d’humilité, de maturité. Alors, pourquoi cette autobiographie maintenant, à 70 ans ? Justement, parce que le temps file et que je veux dresser un état des lieux des passages de Dieu dans ma vie. Au début, je voulais écrire un livre sur Marie. Après la publication d’un ouvrage sur son époux, Saint Joseph, homme de foi, et un autre sur leur fils, Jésus raconté par ses proches, il me restait donc celui sur la mère. Comment l’écrire cependant sans répéter ce que les autres ont déjà dit ? En témoignant de son action dans ma vie, et plus je relevais ses « visitations »,...
Je vous partage l'entrevue que j'ai donnée à Sabrina Covic Radojicic pour la revue croate internationale Glasnik Mira. L'article a été publié dans le numéro de mars 2021, p. 20-23. La traduction du français au croate est l'oeuvre de Davorka Jurcevic-Cerkez. Pour voir ce numéro et mon article en croate, cliquez ici. D’où venez-vous, Jacques Gauthier? Je suis né au Québec le 4 décembre 1951, près du sanctuaire marial Notre-Dame du Cap. Je suis le deuxième d’une famille de cinq enfants. Ma mère avait promis à la Vierge Marie que si l’accouchement se passait bien elle lui consacrerait son bébé. Je fus donc baptisé le 8 décembre, jour de l’Immaculée Conception. Marie a donc une grande place dans votre vie? Une place centrale. Je l’ai toujours priée. À la maison, nous récitions le chapelet en famille. Aujourd’hui, j’aime bien « marcher » le chapelet à l’extérieur avec mon épouse. Cela fait 42 ans que...
À l’aube de ma vie, il y a Marie, la Reine de tous les saints. Je suis né sous son manteau, car ma mère, dont les derniers mois de grossesse étaient compliqués, lui a fait ce vœu : « Si l’accouchement se passe bien, je te consacrerai mon enfant ! » Je fus donc baptisé le 8 décembre 1951, en la solennité de l’Immaculée Conception. La Mère de Dieu et de l’Église, qui demeure au cœur de la Trinité et de la communion des saints, s’est dès lors installée dans mon invisible chez-moi. J’ai toujours eu une grande tendresse pour Marie, aussi loin que je m’en souvienne. Tout petit, par exemple, j’aimais accompagner mes parents au sanctuaire marial Notre-Dame du Cap, à Trois-Rivières, non loin de la ville où nous habitions et qui s’appelle Grand-Mère, au Québec. Vers l’âge de 4 ans, j’ai été hospitalisé en raison d’une jaunisse. Parce que je pleurais trop, ma mère avait interdiction de...
L’Avent est le temps par excellence de l’espérance. Ce temps d’attente et de désir nous prépare à accueillir Celui qui est, qui était et qui vient, le Verbe de vie, l’Emmanuel, Dieu avec nous. Nous célébrons l’arrivée de la lumière qu'est l’avènement de Notre Seigneur Jésus Christ. Il est venu humblement dans la chair à Noël, il vient mystérieusement chaque jour en nos âmes, il viendra puissamment dans la gloire, que ce soit à la fin de notre vie ou à la fin des temps. Telle est la foi chrétienne. Le mot Avent vient du latin Adventus qui désigne l'acte d'arriver. Cette joyeuse étape vers Noël rappelle que nous marchons vers un but, notre naissance en Dieu. Cette année, c’est la première fois que je vis ce temps en orphelin, solidaire des personnes qui vivent une perte, un manque, une solitude. Comme je l'ai déjà écrit dans ce blogue, mon père est décédé...
Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) a été l’homme d’une quête, celle du Dieu de joie, le Christ pascal. « Un moment de tendresse qu’il a eu avec moi, / et j’ai été creusé pour la vie » (Psaume 5). Sa Somme de poésie, publiée en trois Jeux, a été remaniée à la fin de sa vie : Le jeu de l’homme en lui-même, Le jeu de l’homme devant les autres, Le jeu de l’homme devant Dieu. Ces jeux sont traversés par plusieurs genres littéraires : poésie, théâtre, bestiaire, prose, nouvelle, chanson, hymne, et le psaume qu’il affectionnait. La première édition de Psaumes est parue chez Gallimard en 1938. Quatre-vingts ans plus tard, les éditions Salvator publient de nouveau les psaumes du poète, qu’il avait réunis en 1974 sous le titre Psaumes de tous mes temps. Ce dernier livre, édité de son vivant et repris par les Éditions du Cerf en 1990, paraît comme son testament spirituel. Ces Psaumes sont, selon les...
Dans son livre, Le poème de la sainte liturgie, Maurice Zundel propose une vision sacramentelle de l’univers où, par la liturgie, toutes les réalités chantent la gloire de Dieu et sont recréées dans le Verbe. En 1975, l’année même de sa mort, il professa toujours le même enthousiasme pour le poème de la messe donné au monde par le Verbe lui-même qui s’est dépouillé de tout dans une grande pauvreté intérieure : « Après cinquante ans de sacerdoce, je suis toujours émerveillé par l’éternelle fraîcheur, l’éternelle nouveauté de la messe. Si celle-ci était la première ou si ce devait être la dernière, ce serait encore le même émerveillement, le don ultime d’amour sans cesse recommencé. » (cité par Bernard de Boissière et France-Marie Chauvelot, Maurice Zundel, Paris, Presses de la Renaissance, 2004). En cette même année 1975, Patrice de La Tour du Pin s’éteignait après avoir voué sa vie et son œuvre à la quête du Dieu de joie...
Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) a été l'homme d'une quête: celle du Dieu de joie, le Christ pascal. Cette quête l'entraîna sur les routes d'une aventure spirituelle des plus exigeantes et des plus originales. La première œuvre du poète, La Quête de Joie, publiée en 1933, contient en germe les intuitions de trois Jeux qu'il écrira pendant quarante ans sous le titre d'Une Somme de poésie, parue chez Gallimard. Il dialogua avec la culture de son temps, si souvent indifférente à la foi chrétienne. C’est de lui que vient cette phrase : « Tout homme est une histoire sacrée ». Il se dépassa en poésie pour accéder à une théopoésie où le langage symbolique est au service de la Révélation du Dieu Amour. Le jardinier des mots La Tour du Pin se décrit comme un « jardinier des mots » qui a voulu écrire la grande prière de l’homme...
Luc est le seul évangéliste qui rapporte le beau récit des deux disciples qui, le jour de Pâques, font route « vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem » (Luc 24, 13). Les dimensions poétique, pédagogique, théologique et liturgique de ce texte m’enchantent. L’essentiel de la foi y est raconté sobrement en termes de rencontre et de reconnaissance. Le Christ ressuscité y est présenté comme un compagnon de route qui marche avec nous et se révèle lors du partage de la parole et du pain. On comprend que cette scène de l’Évangile ait pu inspirer tant d’écrivains et de peintres. Un récit pour aujourd’hui De nombreux symboles, évoqués dans ce texte, restent d’actualité : la route, la désillusion de Cléophas, le lent réchauffement du cœur grâce à la parole de Jésus, le soir qui approche, le repas à la maison, la fraction du pain, l'ouverture de l’esprit et des yeux,...
Je vous partage la recension de Bernard Plessy, agrégé de Lettres classiques en France, au sujet de mon recueil Un souffle de fin silence (éditions du Noroît). Elle est parue sous le titre Hymne à la vie sur le site Aleteia, 26 février 2017. Dans son dernier recueil, Un souffle de fin silence, Jacques Gauthier entame une véritable quête poétique à travers les différents âges de la vie. Un poète ne raconte pas sa vie. Il l’évoque : il en fait apparaître ce qui lui donne sens. Avec les mots, sur fond de silence, il a tout pouvoir. Le coquillage du souvenir, appliqué à l’oreille interne, lui restitue le poème originel, l’entrée dans son histoire – et c’est comme le film très pudiquement charnel de sa naissance. La méditation du soir lui permet d’anticiper sa mort – et c’est une hymne à cette nouvelle entrée dans la Vie, splendide testament spirituel sur « l’art de mourir en joie. »...
Voici la deuxième partie de mon article sur le poète de Saint-Denys Garneau, en écho à la biographie de Michel Biron: De Saint-Denys Garneau. Montréal, Éditions du Boréal, 2015, 450 pages. Pour relire la première partie, cliquez ici. Garneau et La Tour du Pin En terminant la lecture de la fascinante biographie de Biron, je suis frappé par la parenté d’âme qui existe entre Garneau et un autre poète de son âge, Patrice de La Tour du Pin. Loin des milieux littéraires lui aussi, il a mené sa quête de beauté dans le Loiret en France, créant des jeux qui puisaient aux sources de l’enfance. Est-ce que Garneau a lu La Quête de joie (1933) de La Tour du Pin qui a tant marqué les poètes ? Gaston Miron avait ouvert ce recueil par hasard dans une librairie de Montréal, en 1948, et avait lu ces deux vers qui orienteront sa vocation poétique : «...
L'action de grâce jaillit spontanément de mon coeur à la fin de cette "mission" de 15 jours à Paris qui se termine aujourd'hui, fête de François d'Assise et ouverture du synode à Rome sur la famille. Action de grâce d'être resté en santé malgré un mal de gorge, d'avoir pu donner toutes les conférences avec beaucoup d'ardeur et de paix. Action de grâce pour toutes les rencontres qui ont été pour moi des passages de Dieu. Action de grâce surtout pour l'action de l'Esprit en moi et dans les autres. J'ai touché du doigt une fois de plus sa présence dans l'inattendu des événements et dans le silence de l'oraison. La première fin de semaine devait se dérouler à Paris, mais j'ai décidé de visiter la famille du poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) au Bignon-Mirabeau dans le Loiret. J'ai fait mon doctorat en théologie sur ce grand poète. Il...
Le temps pascal est comme un long dimanche de cinquante jours que couronne la Pentecôte. La semaine qui suit Pâques constitue une octave où nous prenons conscience de la clarté du Ressuscité qui nous habite. Durant cette octave de Pâques, nous retrouvons dans la liturgie des Heures l'hymne du matin de Patrice de La Tour du Pin (1911-1975), Lumière du monde, ô Jésus. Lorsque j'entendis cette hymne de l'illumination divine pour la première fois, je fus inondée d'une joie profonde, tant j'avais le coeur tout brûlant. Ce fut mon premier contact avec l'oeuvre de ce grand poète de la liturgie. Permettez-moi de vous partager cette expérience de la lumière du Christ. C'était en mai 1973. Je m'étais retiré à l'ombre d'une abbaye cistercienne, Notre-Dame de Bellefontaine, perdue dans les bois du Maine-et-Loire, dans les Mauges, non loin de Cholet. Je refaisais mes forces, avant de reprendre mon engagement auprès des handicapés à...
Venez au jour! Le Christ prépare son retour! Le Christ prévient l'ère nuptiale! Passent les temps! Passe la chair! L'Esprit de Dieu souffle au désert, Annonçant l'aurore pascale! Cette première strophe de l'hymne de Carême du poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) peut nous aider à entrer dans ce temps de conversion et de pénitence qui commence avec le mercredi des Cendres. L'année liturgique nous permet d'être en contact permanent avec le Christ présent dans son Église et dans notre temps. Le temps rend ainsi présent le Christ qui vit son mystère pascal à travers nous, à telle fête liturgique, sous un mode symbolique, sacramentel. C'est dans ce temps linéaire de notre histoire que Le Christ prépare son retour, et que le Carême nous retourne le coeur pour Pâques: Retournez-vous! Apprenez Dieu! Le jour du Carême Venez au jour! Ce jour de l'hymne est d'abord le temps de l'année liturgique qui s'étend du mercredi des Cendres au...
Quelle a été la première prière de l’humanité? Demande ou louange, personnelle ou communautaire, autour du feu ou au moment de la mort? Qui pourrait le dire? Par contre, les textes des civilisations les plus anciennes ont souvent été des prières. Qu’on pense aux hymnes rituels inscrits sur du papyrus de l’Égypte antique. L’acte de prier provoque une parole qui s’exprime dans toutes les langues, souvent de manière poétique et symbolique. Les plus belles prières sont souvent de remarquables poèmes que l’on retrouve dans les religions et sagesses. Le poète Novalis écrivait : « Le sentiment universel de piété a donné la prière, et celle-ci produit de la religion ». Des expressions du désir Mais prière ne rime pas nécessairement avec poésie, même si elles sont des expressions du désir. Le travail sur le langage n’est pas le même, le rythme des mots et le sens du texte diffèrent. La prière puise à une...
21 mars, journée mondiale de la poésie. Pourquoi? Parce que la poésie est inutile comme l'amour, la beauté, l'art, donc nécessaire pour vivre. Ce n'est pas rentable et productif, sauf pour alerter les injustices, éveiller à la beauté, résister contre toute espérance. Poésie: lucidité d'une conscience, un souffle qui veut durer. Nous en avons bien besoin aujourd'hui. Pour vous accompagner en ce début de printemps, voici un peu de mon "art poétique", texte que l'on retrouve à la fin de mon recueil La vie inexprimable. Accompagnement Il me semble que « la vie inexprimable » de René Char, neuve et merveilleuse, renvoie comme en écho à la « vraie vie » de Rimbaud, à cet ailleurs rêvé dans l’absence, forme supérieure de présence : « J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges » (Une saison en enfer). Le poète reste imbibé de cette vie offerte au grand vent que le mouvement manifeste plus...
La fin de chaque année apporte son lot de bilans, rétrospectives, "Bye Bye". On en profite pour se souhaiter surtout la santé, en espérant que l'année nouvelle sera bonne et heureuse. La fin de l'année est aussi l'occasion de faire une "relecture de sa vie". C'est ce qu'une lectrice m'écrivait la semaine dernière, après avoir lue un texte sur ma trajectoire de vie: "Votre interview "relecture de vie", tout empreint de vérité, de simplicité et d'une espérance sereine nous interpelle en profondeur". Cette conversation avec Bertrand Révillion est parue dans la revue Panorama de juillet-août 2000 sous le titre: "Jacques Gauthier. La foi joyeuse du poète". J'avais oublié ce texte, même si on le retrouve sur mon site à l'onglet "Biographie". Le voici donc dans ce blogue. Certes, il en a coulé de l'eau depuis 12 ans. Je retiens surtout ceci qui remonte à la mémoire: ma rencontre avec Thérèse de Lisieux...
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