La prière et l’amour sont intimement liés, comme l’eau l’est à la source, le sang au cœur, l’âme au corps. De grands priants comme Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld ont témoigné par leur vie que plus nous aimons, mieux nous prions. La prière, comme l’amour, exige la relation, la présence, la réciprocité, l’union. Il me semble que le Carême est un temps idéal pour éveiller le désir de prier et d’aimer. Un acte d’amour Est-ce que Dieu est au cœur de notre vie ? Si oui, la prière le sera aussi. Dieu nous aime et désire entrer en relation avec nous. La foi chrétienne nous le présente comme un Dieu Trinité qui n’est qu’amour et lumière. Le Père envoie son Fils dans le monde par l’Esprit Saint pour instaurer son royaume d’amour et de paix. Il nous sauve du péché et de la mort par la croix et la résurrection...
Le blogue de Jacques Gauthier
Ricardo Langlois pour La Métropole : Bonjour Jacques, je vous ai connu dans les années 2010 par votre blogue, j’aimais commenter vos articles. Vous avez une feuille de route impressionnante. D’abord vous avez été moine pendant quatre ans avant d’être professeur à l’Université Saint-Paul d’Ottawa. Pourquoi avoir quitté la vie monastique? Parce que ce n’était pas là que le Seigneur me voulait, tout simplement. Je suis entré à l’abbaye cistercienne d’Oka en septembre 1973, après un séjour de six mois à la communauté de l’Arche en France, où je vivais avec des personnes handicapées. J’ai ressenti un appel du Christ à me consacrer à lui dans la prière. Cet appel, comme toute vocation, ne s’explique pas vraiment, ça se vit. À l’Arche, je découvrais la prière contemplative, la vie mystique avec saint Jean de la Croix, j’étais ravi par la figure du Christ. Je le suis encore. J’ai vécu quatre ans à...
À l’heure d’une laïcité stricte, l’omniprésence de Noël dérange parfois. Pour les uns, la symbolique de cette fête chrétienne est trop visible dans l’espace public. Pour d’autres, les traditions héritées des ancêtres sont dépassées : sapin, crèche, messe, cantiques, réveillon, etc. De plus, la consommation excessive entraîne un gaspillage qui nuit à la planète. Puis, il y a l’autre Noël, où l’on célèbre une naissance qui nous dépasse, une présence que l’on attend. On chante « l’amour infini » [du] « divin enfant » endormi sur la paille, « entre le bœuf et l’âne gris ». Depuis deux mille ans, il met au monde l’espérance en s’identifiant aux plus petits, en nous invitant à plus de simplicité et de partage. Sa lumière illumine la nuit, son mystère s’entoure de silence : « Ô nuit de paix, sainte nuit ! Dans le ciel, l'astre luit. » Il fait de nous des « pèlerins d'espérance », selon le thème de l'Année Sainte 2025....
Le 17 mai 2023 se tenait à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours de Montréal l’ouverture du procès diocésain de la cause de Jeanne Le Ber. J’étais présent comme membre de la commission historique. Voici un survol de la vie de celle qu’on appelait « l’ange de Ville-Marie ». Femme de silence et de solitude Jeanne naît à Ville-Marie (Montréal), le 4 janvier 1662, du riche marchand Jacques Le Ber et de Jeanne Le Moyne. Elle et ses quatre frères sont de la première génération d’origine française née à Montréal. Filleule de Paul de Chomedey de Maisonneuve et de Jeanne Mance, elle fréquente dès l’âge de six ans l’école des sœurs de Marguerite Bourgeoys, où elle apprend à lire, écrire et compter. En 1674, elle fait sa première communion. Elle étudie chez les ursulines à Québec, soit deux ans après la mort de Marie de l’Incarnation. Elle apprend la grammaire, l’histoire, le catéchisme, et aussi la couture, la broderie...
Dans la Bible, le désert n’est pas un lieu où l’on vit en permanence. On le traverse, sans s’y installer trop longtemps. Le peuple hébreu, guidé par Moïse, parcourt le désert pendant quarante années avant d’entrer dans la terre promise. Jésus, poussé par l’Esprit, « fut conduit au désert […] pour être tenté par le diable » (Matthieu 4, 1). Il jeûne quarante jours et quarante nuits avant de commencer sa prédication de la venue du royaume de Dieu. C'est de là que vient le mot "carême", en latin quaresima, qui signifie quarante. Le désert de l’âme Nous sommes ici-bas « des étrangers et des voyageurs […] « à la recherche d’une patrie » (Hébreux 11, 13-14). Le désert nous révèle que le voyage est intérieur et qu’il sera aride. Nous avons à passer de la tête au cœur, des prières à LA prière. Nous nous ouvrons à l'Esprit qui annonce au désert...
La forte charge émotionnelle et symbolique de Noël nous échappe sans cesse. Comment peut-il en être autrement? Cette fête si riche de sens et de beauté est centrée sur l’attente d’une présence, la naissance de ce qui nous dépasse. Nous éprouvons souvent de la nostalgie ce jour-là, où joie et tristesse sont étroitement entremêlées. Nous ne serons jamais à la hauteur d’un tel mystère d’intériorité et d’adoration, à moins de rester enfants, ou poètes, ce qui revient au même. Nous voulons faire tant de choses alors qu’il suffit d’être. Les réveillons, les cadeaux, les cantiques ne sont pas de taille à rivaliser avec la révélation de l’enfant endormi sur la paille. Douce nuit, sainte nuit ! Dans les cieux ! L'astre luit. Le mystère annoncé s'accomplit. Cet enfant sur la paille endormi, C'est l'amour infini. L’éternelle enfance Dans mon autobiographie En sa présence, je montre que l’enfance n’est pas seulement le point de départ d’une vie,...
Est-ce le jour de ma confirmation, ou la nuit même de Noël que je reçois en cadeau de mes parents un livre de messe, mon premier gros livre, écrit en latin et en français? Il est beau à voir et doux au toucher, tout habillé de cuir, avec de petits rubans fixés à la tranchefile pour marquer les pages. Un médaillon ovale, incrusté dans le cuir de la couverture, représente Jésus couronné d’épines. Au verso, le médaillon de la douce Marie atténue la souffrance de son Fils. Je regarde souvent les médaillons de mon missel, le soir avant de m’endormir, à côté de mes cartes de joueurs de hockey. Mon gros missel me fait rêver. J’aime son odeur de sous-bois lorsque je l’ouvre, comme s’il y avait plein de vent dedans. C’est là que me vient l’habitude de sentir les livres, d’y enfoncer le nez entre les pages pour humer l’odeur...
La théologie gagne beaucoup à la fréquentation de la poésie et inversement. Dieu ne peut pas se dire totalement dans un langage discursif et rationnel. La poésie lui offre une langue qui lui permet de nous révéler une part de son mystère. Elle donne une forme au silence, tente de rendre visible l’invisible, d’approcher le mystère. La poésie est donc vouée à un certain échec qui fait sa grandeur : totalement inutile, elle nous est nécessaire dans notre monde régi par l’utilitarisme. Le poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) parle souvent de "théopoésie", qui n’est pas de la théologie en vers, mais le langage le plus apte à dire Dieu, à cause de sa dimension symbolique, qui exprime le désir sans l’épuiser, qui fait éclater le sens sans rien imposer. Pour lui, la théopoésie est le service de Dieu par la poésie, la parole d’un homme à l’écoute de l’autre Parole pour...
Interview avec Antoine Pasquier, « Dieu est près de nous dans nos nuits », dans le magazine Famille Chrétienne du 22 octobre 2022, p. 24-27. Auteur prolifique d’ouvrages sur la prière et les saints, le poète et essayiste québécois publie En sa présence, une autobiographie spirituelle. L’occasion de nous dévoiler les secrets de son intimité avec Dieu. Qu’il est exquis d’écouter Jacques Gauthier. Pas seulement parce que son accent québécois nous fait vibrer et nous incite à la bonne humeur, mais parce que ses paroles sont aussi poétiques, spirituelles et dépouillées que sa foi. Avec lui, la prière semble si facile. À l’occasion de sa venue en France pour la promotion de son autobiographie spirituelle En sa présence, publiée aux éditions Artège, le poète et essayiste aux quatre-vingts ouvrages de spiritualité n’a pas résisté à l’envie de venir raconter à Famille Chrétienne, dont il fut autrefois chroniqueur, le long compagnonnage de Dieu dans sa vie. Votre...
Saint François d’Assise a loué le Seigneur pour messire frère Soleil : « Il est beau, rayonnant, d’une grande splendeur, et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole. » L’a-t-il fait pour notre frère tournesol? Sans doute, mais implicitement, puisque qu’au début de sa grande louange cosmique qu'est le Cantique des créatures, il dit : « Loué sois-tu Seigneur, dans toutes tes créatures »... Si le soleil est vu comme le symbole de la splendeur divine, je considère le tournesol comme un symbole de l’oraison, appelée aussi prière contemplative. Se tourner vers le Christ Le tournesol, mot emprunté à l’italien tornasole, signifie «qui tourne avec le soleil». Cette grande plante nous rappelle l’importance de nous tourner vers le Christ en tout temps, ce «soleil de justice» aux rayons guérisseurs. La personne qui s’expose au Christ à chaque heure devient en quelque sorte un tournesol de Dieu. Au début de la...
Le 29 juin 2022, le pape François a publié une lettre apostolique d’une grande profondeur spirituelle sur la formation liturgique du peuple de Dieu : Desiderio desideravi. Le titre reprend les premiers mots de la parole de Jésus avant le dernier repas avec ses disciples : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (Lc 22, 15) Pour un « nous » ecclésial Un an après la publication de son Motu Proprio Traditionis custodes, le Pape transcende les querelles liturgiques en offrant à tous les fidèles « quelques pistes de réflexion qui puissent aider à la contemplation de la beauté et de la vérité de la célébration » (no 1). Il ne revient pas sur telle pratique ou telle forme liturgique, si ce n’est de rappeler l’importance d’observer le rite romain selon les décrets du Concile Vatican II, « afin que l’Église puisse élever, dans la variété de tant de langues, une seule...
Cet article est un résumé de la conférence que j'ai donnée aux Fraternités monastiques de Jérusalem à Montréal, en février 2022, à l'occasion d'une retraite spirituelle sur l'oraison, et que l'on retrouve dans une vidéo de ma chaîne YouTube. Elle renvoie à la troisième partie de mon livre Charles de Foucauld, passionné de Dieu (Emmanuel/Novalis, avril 2022, 224 pages). Ne vivre que pour Dieu Charles de Foucauld (1848-1916), qui sera canonisé à Rome le 15 mai 2022 par le pape François, a placé l’amour de Dieu et du prochain au-dessus de tout, selon sa devise : «Jésus Caritas». Nous connaissons sa très belle prière d’abandon : «Mon Père, je m’abandonne à toi». Elle est le fruit de sa méditation constante de la parole de Dieu et de l’adoration eucharistique, le centre de sa vie. Frère Charles de Jésus a vécu un itinéraire spirituel hors du commun et pourtant très actuel. Après une jeunesse dissipée, il...
Te souviens-tu de mon désircroisant ton ombre à la brunantequand un suaire de silencerecouvrait la première neige Que de sentiers à dépisteravant d'entrevoir ta maisonque de forêts à traverseravant d'atteindre ton absence Amour qui naîtamour qui vientes-tu de l'autre côté du versanten dessous des chosesou derrière le décorau-dedans des hommes N'oublie pas ces instants troublantsdes rendez-vous à la brunanteoù la passion mettait en cageles cœurs volages pour l'hiver Que de secrets à découvriravant la blessure des motsque de combats à revêtiravant la tendresse des corps Amour qui fuitamour qui partes-tu de l'autre côté du versanten dessous des chosesou derrière le décorau-dedans des hommes Rappelle-toi cette chansonquand tu m'attends à la brunantedans les moments de solitudeprès de ces neiges du couchant Que de nuits à te désireravant le baiser de l'auroreque de printemps à te guetteravant le cri de ta présence Amour qui passeamour qui durees-tu de l'autre côté du versanten dessous des chosesou derrière le décorau-dedans des hommes Du recueil...
Au commencement du commencementà partir de l’origine éternellebien avant la genèse de l’atomeau commencement sans commencementétait le Verbe Antérieur à toute ébauche historiqueloin d’une première esquisse d’arthors du vent solaire de notre univers à un point de départ de nulle partétait le Verbe Avant que surgisse l’aube nouvelleque la fraîche rosée humecte la terreque la fleur s’abreuve à la source avant le premier fruit du premier germeétait le Verbe Avant le premier son le premier motavant que coule une larme de femmelà dans l’embryon d’un divin silencedu premier regard du premier baiserétait le Verbe Par-delà le temps et l’espacel’élan de vie au cœur de l’enfant le saint désir au désert et à la mer la prière de louange sur la montagne était le Verbe « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jean 1, 14) Je vous...
Voici le 84e article de l'École de prière de mon blogue, commencée en février 2013. Il me semble que je commence sans cesse, que je ne sais pas prier. De fait, nous sommes toujours des commençants dans la prière, nous marchons avec l'Esprit Saint qui prie en nous, qui vient en aide à notre faiblesse, qui nous aide à tenir bon sur les chemins inédits de la prière du coeur, de l'oraison silencieuse, de la contemplation surnaturelle. La prière est un élément constitutif de l’être humain. Présente dans les différentes civilisations, elle provoque une parole qui exprime les croyances et les désirs, souvent de manière poétique et symbolique. Elle révèle notre aspiration profonde à entrer en relation avec un être transcendant qu’on appelle Dieu. Des prières à la prière Quelle a été la première prière de l’humanité? Demande ou louange, personnelle ou communautaire, autour du feu ou au moment de la mort?...
Voici le dernier de six entretiens d'une retraite sur saint Joseph. Vous pouvez la suivre dans ma chaîne YouTube en visionnant les 6 vidéos de 25 minutes. La vie de Joseph, comme celle de la Sainte Famille, est d’abord cachée en Dieu. Jésus, Marie et Joseph mènent une vie très simple à Nazareth en effectuant avec amour les petites choses du quotidien. Plusieurs de ses paraboles sont probablement inspirées de sa vie à Nazareth. Lorsqu’il parle de semailles et de moissons, du bon grain et de l’ivraie, du figuier sans figues, des ouvriers de la vigne, du bon samaritain, il a peut-être d’abord vu ces réalités dans son village Le silence de la foi Il y aurait beaucoup à dire sur cette vie cachée à Nazareth où, en voyant agir ses parents, Jésus apprend l’accueil de l’autre, le don de soi, le souci des pauvres, la solidarité envers les exclus. Mieux...
Depuis une vingtaine d’années, je donne des retraites dans des paroisses et maisons de prière, ainsi qu’aux prêtres, religieux et religieuses lors de leurs retraites annuelles. Celle que j’anime sur l’oraison correspond bien à l’essence même de ce que doit être une retraite chrétienne : un temps gratuit pour Dieu, une rencontre du Christ, une expérience de conversion du cœur dans l’Esprit. L'oraison est cette forme de prière qui consiste à être en présence du Christ, à se tenir en silence devant lui, non pour faire le vide, mais pour entrer en communion d'amour avec lui, malgré les distractions. C'est un don, mais Dieu ne le refuse pas à celui qui prie. S’ouvrir au don de l’oraison chaque jour est le meilleur moyen pour accéder à une vie chrétienne profonde où la sainteté n'est pas absente. La retraite a pour objectif de renouer avec ce cœur à cœur qu'est l'oraison. Il ne...
« Le sentiment universel de piété a donné la prière, et celle-ci produit de la religion », écrivait le poète Novalis. Littéralement, prier est un acte de religion par lequel on s’adresse à Dieu. Ainsi, quand un événement se fait menaçant ou que la mort frappe à la porte, la personne a souvent le réflexe d’implorer un être supérieur qui peut la secourir. Mais prier, c’est aussi se mettre en présence de Dieu en se recueillant, en méditant sa parole, en le rencontrant tout au long de la journée par des actes intérieurs de foi, d’espérance et d’amour. Prier ainsi dans le silence nous apprend à mourir. Car ce n’est pas une mince affaire que de durer dans la prière, d’être attentif au mystère de Dieu, de lui offrir notre patience devant son silence, de nous abandonner à sa miséricorde en nous laissant transformer par son Esprit d’amour. Mourir à soi-même...
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ». L’abbé Gérard Marier, décédé le vendredi 8 mars 2019 à l’âge de 89 ans, aimait beaucoup ce verset du psaume 26. Si l’espérance, la force et le courage le caractérisaient assez bien, c’est parce qu’il se sentait souvent vide, faible et craintif face aux défis qui l’attendaient. Le Seigneur le fortifiait à sa manière. N’est-ce pas la part de tout prédicateur de l’Évangile qui, comme saint Paul, doit témoigner du Christ, malgré le découragement, le doute, la fatigue, la lassitude? Gérard, c’est ainsi que je l’appelais, ne comptait que sur la puissance de la parole de Dieu et de la prière pour être fidèle à sa mission d’animateur de retraites spirituelles. Il a sillonné le Québec de long en large, mettant sa foi en l’Esprit Saint qui « vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire. » (Lc 12, 12). Il n’était pas...
Dans le christianisme, la méditation signifie surtout deux choses : une forme de prière intérieure et une manière de « ruminer » la Parole de Dieu, appelée lectio divina. La première forme est appelée oraison ou prière contemplative, et s’est surtout développée à partir des écrits de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix. La lectio divina d’abord été pratiquée chez les Pères de l’Église et les moines. Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola sont une autre manière de méditer la Parole de Dieu. Se tenir au centre C’est le mérite du moine bénédictin John Main (1926-1982), et de son fils spirituel Laurence Freeman, d’avoir rendu accessible une forme de prière très simple qui remonte aux premiers siècles de l’Église et qu’on avait un peu oubliée. Pour Main, le mot « méditation » veut dire : se tenir au centre de notre être, c’est-à-dire en Dieu. Il va s’appuyer sur ce que dans l’hindouisme on...
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