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Le blogue de Jacques Gauthier

Au royaume de l'émerveillement

« Merveilles que tes œuvres, Seigneur, et merveille que je suis », lit-on au Psaume 138. Nous dépassons en dignité et en grandeur les plus belles merveilles du monde. Le savons-nous? La vie se déverse en nous à chaque âge et le battement de l’univers se mêle à notre sang. Nous faisons le moindre geste, et voilà des millions de cellules qui s’activent. Notre frère le corps n’est pas une machine que l’on a, mais un mystère que l’on habite intérieurement.

Guérir de l'ennui

S’émerveiller, c’est guérir de l’ennui et de la tristesse qui nous disposent parfois au découragement. On peut s’enfermer dans des habitudes et des horaires qui empêchent le soleil d’entrer; on peut aussi chercher à tout contrôler et diriger, alors que la vie nous appelle à un certain détachement et à la contemplation. L’antidote à cette déprime est de trouver chaque jour de quoi s’émerveiller : une plante, un repas, une musique, un enfant, un livre, une prière, un bonjour, un merci…

Avant le sommeil de la nuit, on pourrait se demander : qu’est-ce que j’ai admiré aujourd’hui? La beauté nous arrache à nous-mêmes, l’admiration engendre l’émerveillement. C’est ce que nous enseigne la spiritualité franciscaine, dont témoigne en toute simplicité le pape François.

Je retrouve aussi ce sens de l'émerveillement dans l'oeuvre de Félix Leclerc. Décédé le 8 août 1988, je souligne le 25e anniversaire de son décès en me replongeant dans ses écrits où l'enfance, le rêve, la beauté, l'amour suffisent à embellir le quotidien. Je relis son oeuvre littéraire dans la magnifique édition en quatre tomes de l'éditeur Henri Rivard. Tout un voyage au pays du roi heureux!  Ce qu'il écrit de Martinien, vieux Frère du collège de son enfance dans Pieds nus dans l'aube, évoque bien cet appel à l'émerveillement: "Sa vocation semblait être d'empêcher les coeurs de vieillir". Et le lièvre chantant de terminer son récit Moi, mes souliers, par cet acte de foi en l'homme: "Quand un souffle le prend, il peut s'élever très haut". 

Nos sens : les merveilles du monde

Les enfants, les poètes, les artistes nous tirent vers le haut. Ces témoins de l'invisible nous disent que nous admirons d’abord avec nos sens, même s’ils ont tendance à rétrécir leur champ de perception lorsque la vieillesse approche. À nous de les affiner pour en percevoir toute la mélodie. Les yeux qui observent les gens peuvent aller au-delà du visible. Les oreilles discernent des nuances que l’on entend bien qu’après des heures d’écoute. Le nez élargit sa palette d’odeurs qui nous rappellent l’enfance. La bouche nous fait goûter des saveurs qui nourrissent l’intuition. Les doigts nous donnent plus de tact dans nos relations. Pourquoi chercher ailleurs les merveilles du monde alors qu’elles sont en nous?

Chacun peut mettre de l’émerveillement pour enchanter ses journées, s'il sait éteindre son téléphone que l'on dit intelligent, son ordinateur, la télé. Par exemple : marcher en contemplant la création, s’arrêter de brefs moments pour reprendre souffle et prier, écouter le chant des oiseaux, sentir le parfum des fleurs, plonger dans le silence d’un visage, goûter la brise légère, voir l’infini dans les yeux d’un enfant, caresser le corps de son époux ou épouse, consoler et pardonner…

Pour le croyant, l’émerveillement est un sentiment très fort qui le fait communier à la joie du Créateur. Dès le début de la Genèse, Dieu s’extasie devant ce qu’il a fait : il vit que cela était très beau et très bon. Cette première écriture de Dieu dans l’univers est remplie de ses traces que nous avons le devoir de préserver. Avant le refus, l’orgueil, il y a cette grâce originelle que nous retrouvons par l’humilité qui nous ouvre à ce que Dieu fait de beau en nous et dans les autres. Sinon, on risque d'être trop grand pour entrer dans son Royaume où les pauvres et les petits sont rois: "Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des cieux", disait Jésus.

S'émerveiller comme des enfants, c'est avoir le sentiment profond que tout est à recevoir et la confiance que tout peut être donné. Cela commence autour de nous: s'émerveiller de ceux et celles qui partagent notre table comme autant d’univers à découvrir et à contempler. En les accueillant tels qu’ils sont, nous les éveillons à leur mystère, à leur beauté.

Une partie de ce texte est parue dans Le Messager de Saint-Antoine, juillet-août 2013, p. 20.

14 août: Saint Maximilien Kolbe
11 août: Sainte Claire d'Assise

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samedi 18 mai 2024

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