Le blogue de Jacques Gauthier
La dernière place
Lors des banquets officiels, une place est normalement attribuée à chaque invité, selon sa fonction, son statut. Il en était de même au temps de Jésus. Il lui arrive de participer à un repas ordinaire, où les invités sont libres de choisir leurs places, comme on le voit dans Luc 14, 7-14. Il remarque que ceux-ci choisissent les premières places. Il raconte alors une parabole où il conseille d'opter plutôt pour la dernière place lorsqu’on nous invite à des noces. L'hôte pourra donc nous proposer un rang plus élevé, ce qui sera un honneur, au lieu de descendre avec honte si nous avions pris la première place, car « quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. » (Luc 14, 11).
Le festin de Dieu
Est-ce que Jésus fait l’éloge de la fausse humilité ? Non. Son propos est ailleurs. Il parle de « noces », thème biblique central où Dieu est présenté comme un époux qui invite à un festin. Les premiers à y prendre part sont les gens solidaires des plus petits, des plus pauvres. Le plus grand est celui qui sert.
Jésus est le serviteur qui a pris la dernière place aux côtés des plus souffrants. Il les a servis jusqu’à la fin, jusqu’au don de sa vie sur la croix, dans l’humilité totale, sans rien attendre en retour. « Quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. » (Luc 14, 13-14)
La récompense vient après, à la résurrection. En s’abaissant jusqu’à la mort, Jésus a été élevé dans la gloire, ravivant notre espérance en la vie éternelle : « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jean 14, 3). Avant que ne vienne le temps des retrouvailles dans l’éternité, prenons avec lui la tenue de service en nous identifiant aux plus faibles.
L’humilité véritable
L’ermite Charles de Foucauld se désolait de ne pas être à la dernière place, car elle avait déjà été prise par Jésus. Étonnante humilité du Dieu fait homme quis’abaisse par amour à la crèche pour nous élever jusqu’au Calvaire. Avec Jésus, doux et humble de cœur, quittons la toute-puissance de la première place en reconnaissant notre impuissance à être humble. Il suffit d’accepter la finitude de notre humanité et de s’en émerveiller comme Marie devant Dieu qui « renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles » (Luc 1, 52).
Ben Sira le Sage loue l’humilité, vertu par excellence des maîtres spirituels : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Beaucoup sont haut placés et glorieux, mais c’est aux humbles que le Seigneur révèle ses secrets. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. » (Si 3, 18-20)
Dieu a préparé un banquet pour toute l'humanité. Réjouissons-nous d’être invités aux noces de l’Agneau. À cette table intime, il nous lave les pieds pour que nous fassions de même. Le Christ est à la fois nourriture et couvert, celui qui sert et celui qui est mangé. Il apprête pour nous la table de son corps et de son sang pour la vie éternelle. Prenons le pain de vie et la coupe du salut qu’il nous tend si humblement. À sa suite, apprenons à servir, non à être servi ; à être le plus petit, non le plus grand.
Prière
Publié dans le Prions en Église Canada du 1er septembre 2019, p. 31-33.
Pour aller plus loin: Jésus raconté par ses proches; Notre coeur n'était-il pas brûlant?
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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