Le blogue de Jacques Gauthier
École de prière (63) La prière de Jésus au Père
Depuis que Dieu s’est fait visage en l’être humain, son image, le corps du Christ et notre corps sont devenus les lieux du don où s’enracine une prière qui libère. Certes, le corps est souvent abusé, blessé, emprisonné… Jésus lui-même a connu cette violence lors de sa Passion. Son corps offert nous relève et son pardon ouvre un chemin de prière et de résurrection.
La prière du Christ
Les évangélistes montrent souvent Jésus qui se retire seul, à l'écart, pour prier son Père qui le regarde avec amour. Que lui dit-il? Peut-être la même demande qu’à la Samaritaine : « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7). Peut-être le loue-t-il parce qu’il révèle ses secrets aux plus petits. Nous ne connaissons pas vraiment le contenu de sa prière. En revanche, nous savons que pour lui la prière découle d’une attitude intérieure faite de foi et d’amour, de confiance et de persévérance envers Dieu, qu’il appelle Abba, « papa ».
Si Jésus aime bien prier seul, il lui arrive de prendre avec lui ses Apôtres, comme le jour de la Transfiguration sur la montagne. Et c’est pendant qu’il prie qu’il est transfiguré, comme si la gloire à venir rayonnait déjà sur son corps : « L’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante » (Lc 9, 29). C’est en priant que Jésus expérimente l’amour transformateur du Père qui lui donne force et consolation pour continuer d’annoncer la bonne nouvelle du Royaume.
Parce que nous sommes le Corps du Christ, nos prières prolongent cette prière de Jésus, qui est relation au Père et offrande de sa vie dans l’Esprit. Jésus nous invite à nous laisser façonner par lui, à le laisser imprimer en nous les traits de son visage pour que nous soyons formés en lui.
Un cœur à cœur avec le Père
L’évangéliste Matthieu insère l’enseignement de Jésus sur la prière dans ce qu’on a appelé le sermon sur la montagne. Jésus est présenté comme un nouveau Moïse qui propose à la communauté une Loi nouvelle. Ses paroles et ses actions témoignent de l’esprit du royaume de Dieu qui est concentré dans les béatitudes. C’est dans ce contexte qu’il exhorte ses disciples à bien prier: « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 6).
La valeur de la prière n’est pas tant dans la quantité de paroles, nous rappelle Jésus, que dans l’écoute intérieure de Dieu qui parle au coeur. Cette oraison du cœur demande de l’humilité, de la confiance, de l’abandon et du silence.
"Il faudrait que notre cœur s’imprègne de cette prière de Jésus, sur la montagne, totalement livré à l’amour du Père : une prière « biologique », celle qui pacifie et illumine […] C’est notre chemin de vie et le fond de notre prière: se mettre en présence du Père, totalement détaché, dans « l’indifférence », dans la nuit : « Mon Dieu, je m’abandonne à Toi, fais de moi ce qu’il te plaira… » (Ch. de Foucauld); cela prend du temps. D’abord c’est une grâce à recevoir : se livrer est un don de Dieu, la seule volonté ne suffit pas. Ensuite, Dieu purifie l’âme de tous ses mouvements parasites, des idées, des sentiments, des satisfactions sensibles, pour que celle-ci descende « dans sa chambre la plus secrète », là où Dieu l’attend." (Xavier Desjeux, Trouver dans ma vie ta présence, Parole et Silence, 2016, p. 171-173).
Une prière filiale
À la demande de ses disciples : « Seigneur, apprends-nous à prier. » (Lc 11, 1), Jésus n’enseigne pas une technique ou une méthode de prière. Il répond par une prière venue du silence de son cœur, le Notre Père. Cette prière de Jésus est une parole qui fait écho à sa relation avec le Père. Jésus révèle ainsi que la prière chrétienne est essentiellement filiale. C’est pourquoi il rend si souvent grâce au Père, remettant tout entre ses mains, comme l’indique sa grande prière que l’on a appelée sacerdotale. « Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 1-3).
La prière de Jésus exprime son cœur de fils tourné vers le cœur du Père. Jésus nous demande de vivre l’instant présent en communion avec lui et le Père. Il désire que nous demeurions en son amour afin que nous restions unis entre nous. « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi » (Jn 17, 21).
Jésus ne nous a pas laissés orphelins. « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous » (Jn 14, 16). Cet Esprit nous aide à vivre et à prier comme des fils dans le Fils. « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! (Rm 8, 15).
Paru dans la revue Magnificat, décembre 2017, p. 10-13.
Pour aller plus loin, Henri Caffarel, maître d'oraison (Cerf); La prière chrétienne, guide pratique (Presses de la Renaissance).
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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