Le blogue de Jacques Gauthier
École de prière (8) Comme si ma prière était à la surface
Il m'arrive de publier dans mon blogue des extraits de lettres que je reçois, ainsi que mes réponses. Le soir de Noël 2012, j’avais partagé avec vous un courriel d’un homme de 91 ans qui me confiait : Je n’ai pas appris à prier. Voici des extraits d’un autre courriel, cette fois d’un homme de 67 ans qui trouve difficile de s’abandonner à Dieu dans la prière, comme si celle-ci « était juste à la surface ». J’ajoute ma réponse, en espérant que cela pourra vous éclairer, sachant bien que nous sommes des novices à l’école de la prière.
Bonjour Monsieur Jacques Gauthier
J’aime bien lire vos articles sur la prière. Cependant je n’arrive pas à mettre en pratique vos précieux conseils sur l’aridité de la prière. Souffrant du fameux mal du T.O.C et du T.A.G. suite à une longue dépression qui n’est toujours pas guérie, ma pensée va dans toutes les directions lorsque je prie ou que je vais à l’église pour l’adoration. J’aime lire différents articles de diverses revues, mais parfois mes idées s’éparpillent tellement que je dois revenir certains jours deux ou trois fois sur un paragraphe pour en saisir le sens.
J’essaie de rester en silence à écouter Dieu, mais c’est très pénible de m’abandonner. Parfois je me dis : j’aimerais mieux ne pas croire, de cette façon je n’aurais pas à me tracasser pour prier. Avec mon épouse nous prions pour nos enfants, mais c’est comme si ma prière était juste à la surface.
Pas facile… Merci de me lire
Cher Monsieur
Votre message me touche beaucoup, car je vois l'action de l'Esprit Saint dans votre prière, même si vous avez l'impression de ne pas bien prier, ou que votre prière reste à la surface. Ce ne sont que des impressions. L'important est de continuer à prier, de ne pas vous décourager. Le Seigneur regarde l'intention du cœur, être là dans la prière et l'adoration, et non l'attention silencieuse à sa présence qui est une grâce de l’Esprit Saint. On ne peut pas se donner cette grâce d’abandon dans le silence amoureux, mais seulement vous disposer à l’accueillir. C’est là un grand point de notre part : se recueillir, se préparer, attendre, accueillir, faire confiance à Dieu.
Votre dépression et les conséquences qui en découlent vous empêchent peut-être de vous recueillir comme vous le voudriez. Vous aimeriez ne pas avoir de distractions pour mieux vous abandonner à la présence du Seigneur. Cela, c’est l’idéal. Prier, c’est aussi être distrait, vivre l’aridité, s’ennuyer, en croyant que Dieu nous aime et qu’il ne méprise pas notre prière. Pourquoi alors juger votre prière ? Sachez que Dieu vous donne la prière dont vous avez besoin aujourd’hui même et qu’il vous comble à sa manière, même si vous ne ressentez rien. La prière est plus de l’ordre de la volonté, de l’amour, que du sentiment, du ressenti. L’important n’est pas de penser beaucoup, mais d’aimer beaucoup, disait Thérèse d’Avila.
Ce que vous m’écrivez des difficultés de la prière dénote chez vous un grand désir de la prière, sinon vous ne m’auriez pas écrit. Désirer prier, c’est déjà prier, disait saint Augustin. Si vous souffrez que votre pensée aille dans toutes les directions, surtout au moment de l’adoration à l’église, que vous essayez de rester en silence à écouter Dieu sans y arriver vraiment, ne pensez-vous pas que cela plaît à Dieu, puisque vous continuez à prier quand même ? À ce moment-là, vous ne priez pas pour les grâces de Dieu, mais pour le Dieu des grâces. Sachez aussi qu’il se passe toujours quelque chose dans la prière, que Dieu vous exauce quand vous priez pour vos enfants, mais à son heure et à sa manière.
Vous écrivez : « c’est comme si ma prière était juste à la surface ». C’est une impression seulement. Nous sommes de très mauvais juges dans ce domaine qui n’appartient qu’à Dieu. Ne jugez donc pas votre prière, car Dieu ne la juge pas. Il voit votre bonne volonté, il connaît votre fragilité, il sait que vous avez souffert de dépression, et pourtant il se complaît dans votre prière, puisque vous priez avec ces obstacles. Vous dites : « j’aimerais mieux ne pas croire, de cette façon je n’aurais pas à me tracasser pour prier ». En parlant ainsi, vous manifestez une grande foi et non de l’incroyance, car le tiède ne se soucie pas du tracas que lui cause sa prière.
Pourquoi vous tracassez ainsi quand vous priez ? Peut-être voulez-vous trop en faire. Vous aimeriez mettre en pratique les conseils que je donne sur l’aridité de la prière, mais ce ne sont que des conseils qui ne s’appliquent peut-être pas à vous en ce moment. Vous essayez d’être en silence à écouter Dieu, mais il suffit d’être là, avec vos distractions, en pensant au Seigneur avec amour, en le regardant. Vous ouvrez les yeux quelques secondes, vous contemplez un crucifix, une icône, une image qui vous fait du bien, vous dites au Seigneur que vous l’aimez, puis vous revenez au recueillement de la prière intérieure, avec des distractions ou non. L’important est de vouloir prier, d’être là avec ce que vous vivez, c'est ce que le Seigneur regarde. On revient sans cesse à la prière profonde par des actes de foi, d’espérance et d’amour.
Il serait bon aussi d'avoir une formule de prière que vous pouvez répéter et qui aide votre esprit à ne pas aller dans toutes les directions : « Jésus, Fils de David, prend pitié de moi, pécheur » ou « Cœur sacré de Jésus, j’ai confiance en toi », ou « Viens, Seigneur Jésus ». Ce peut être un mot à répéter comme le nom de Jésus, ou dire simplement : « je crois en toi », « Jésus, je t'aime ». Bien sûr, il y a des distractions, mieux vaut prier avec elles que de vouloir les chasser. Vous pouvez aussi méditer l’évangile du jour en lisant lentement, en priant dans votre cœur tel verset. Autre conseil dans les moments de sécheresse et de distractions : récitez lentement un Notre Père, un Je vous salue Marie, une prière que vous aimez.
Suivez votre cœur quand vous priez, il n’y pas de guide pour tout le monde, la meilleure méthode est souvent de ne pas en avoir. L’Esprit Saint saura vous conduire dans la prière. Restez simple, ne faites pas trop d’effort ; la prière est un repos, une grâce, un soupir, une présence. Cela ressemble tellement à la foi qui est un regard et un toucher, une écoute et un engagement.
Vous ne pouvez persévérer dans la prière que par l’ardeur de cette foi amoureuse, une foi humble et confiante qui attend tout de Dieu. Si Dieu fait vraiment partie de votre vie, vous mènerez le combat de la prière. Nous avons à vaincre la lourdeur, la paresse, l’ennui, la routine, par la puissance de la Parole de Dieu qui soutient notre prière. Nous avons à lutter contre cette vague impression que nous perdons notre temps dans la prière, que nous ne savons pas quoi dire et quoi faire lorsque les distractions nous talonnent. Nous avons à combattre cette tentation qu’il ne se passe rien lorsque nous prions, que Dieu n’entend pas nos prières, qu’il ne nous exauce pas.
Je parlerai de ces difficultés que l’on rencontre souvent lorsqu’on emprunte les sentiers sinueux de la prière. Et n'oublions pas, c'est lorsqu'on a l'impression que nous ne prions pas, que nous perdons notre temps, que commence alors la vraie prière, pas la nôtre, mais celle de l'Esprit en nous. À suivre aux prochains blogues de notre école de la prière.
Pour aller plus loin, je vous suggère: Guide pratique de la prière chrétienne (Presses de la Renaissance, 323 pages); Expérience de la prière (Parole et Silence, 140 pages).
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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