Le blogue de Jacques Gauthier
Charles de Foucauld, frère universel (1/2)
Assassiné le 1er décembre 1916 devant son ermitage du Sahara en Algérie, Charles de Foucauld a été béatifié à Rome le 13 novembre 2005 par Benoît XVI. L'Église célébre sa mémoire le 1er décembre. Différentes fraternités, associations et amis du bienheureux Charles de Foucauld prévoient plusieurs activités à l'occasion du centenaire de sa mort qui se déroule de novembre 2015 à décembre 2016. Première partie de l'article.
Cet homme en quête d’absolu a été soldat, géographe, moine trappiste, linguiste, prêtre ermite, homme de prière. Il aura tenté la grande aventure de la sainteté et de la prière. Son père spirituel, l’abbé Huvelin, disait de lui : « Il fait de la religion un amour. » L’appel du désert sera toujours très fort en lui. Il deviendra le frère universel, établissant des ponts avec les musulmans, qu’il considérait comme ses amis.
Chercher Dieu
Né à Strasbourg le 15 septembre 1858, Charles de Foucauld se convertit à l’âge de 28 ans, après une jeunesse dissolue. Militaire en Afrique du Nord, il a été marqué par la foi et la prière des musulmans. Il cherchait la vérité, il l’a trouvé en se confessant à l’abbé Huvelin qui deviendra son conseiller spirituel. Il décide alors de ne vivre que pour Jésus, qu’il appellera son « Bien-Aimé Frère et Seigneur Jésus », l’indiquant jusque dans son nom : Frère Charles de Jésus. Ces deux mots Jesus Caritas figurent dans ses nombreux écrits comme un programme de vie.
Le jeune homme avait eu dans le passé deux liaisons féminines, dont un projet de mariage avec une protestante. Désormais, Dieu sera l’horizon de son désir. Il le cherche dans les monastères et se rend même en Palestine. À son retour, il entre chez les trappistes en 1890 pour être encore plus uni à Jésus. Mais une autre vocation se dessine en lui : être moine et ermite en Terre sainte. Avec l’accord de l’abbé Huvelin, il devient domestique en 1897 auprès des Clarisses de Nazareth et de Jérusalem. Il rédige des méditations qui feront 3000 pages en trois ans. Il veut crier l’Évangile par sa vie. La supérieure des Clarisses l’encourage à devenir prêtre et à fonder un ordre religieux. Ordonné prêtre à Viviers en 1901, à l’âge de 42 ans, il part pour le désert du Sahara comme ermite missionnaire.
Vouloir aimer
Arrivé en Algérie, frère Charles s’installe à Béni-Abbès. Il construit une chapelle, rend service, étudie, prie. Il coud sur ses vêtements un cœur surmonté d’une croix qui deviendra célèbre à travers le monde. Plus tard, il se rend à Tamanrasset pour vivre parmi les Touaregs, écrivant un lexique touareg-français. Il est remarqué par sa grande charité; on le surnomme le «frère universel».
La guerre fait rage en Europe. Pour protéger la population, on construit un fortin en brique près de son ermitage. Il préfère demeurer avec les Touaregs. Le 1er décembre 1916, un groupe de Sénoussistes attaquent le fortin. Trahi par un ami, le frère Charles est assassiné d’une balle dans la tempe. Cinq mois avant sa mort, il écrivait à son ami Louis Massignon : « L’amour consiste non à sentir qu’on aime, mais à vouloir aimer, quand on veut aimer, on aime, quand on veut aimer par-dessus tout, on aime par-dessus tout. »
Peu de temps avant sa mort, il avait écrit ces mots à sa cousine Marie de Bondy qui prennent ici tout leur sens.
« Notre anéantissement est le moyen le plus puissant que nous ayons de nous unir à Jésus et de faire du bien aux âmes, c’est ce que saint Jean de la Croix répète presque à chaque ligne. Quand on peut souffrir et aimer, on peut beaucoup, on peut le plus qu’on puisse en ce monde : on sent qu’on souffre, on ne sent pas toujours qu’on aime et c’est une grande souffrance de plus! mais on sait qu’on voudrait aimer, et vouloir aimer c’est aimer. On trouve qu’on n’aime pas assez; comme c’est vrai, on n’aimera jamais assez, mais le bon Dieu, qui sait de quelle boue Il nous a pétris, et qui nous aime bien plus qu’une mère ne peut aimer son enfant, nous a dit, Lui qui ne ment pas, qu’il ne repousserait pas celui qui vient à Lui. » (Cité dans L’expérience de Dieu avec Charles de Foucauld, Fides, 2004, p. 84-85.)
Écrire en priant
Charles de Foucauld a beaucoup écrit. Ses notes de retraites et ses méditations sur les Évangiles, ainsi que son Journal, n’ont qu’un seul but : prolonger les entretiens d’amour quotidien qu’il a avec le Christ pour l’aimer encore plus. Le langage qu’il utilise est très affectueux. Il parle plus en témoin qu’en théologien, désirant par-dessus tout imiter la vie cachée du pauvre ouvrier de Nazareth. Il sait d’expérience que la vie n’a de sens que lorsqu’elle devient amour et prière
Il écrit en priant, dans un va-et-vient constant avec la Bible, surtout les Évangiles, sans rechercher des effets de style. Il tisse avec les mots de tous les jours le visage de Jésus, le cherchant d’une ligne à l’autre, priant en silence quand les mots n’arrivent plus à dire ce qu’il comprend. Il se cramponne à de courtes formules, comme des flèches lancées à Jésus pour relancer sa prière : « Jésus suffit : là où il est, rien ne manque. » Il veut que son apostolat soit celui de la bonté, pour qu’en le voyant on puisse dire que sa religion est bonne. Le 22 juillet 1905, il écrit dans son Journal : « Ta vie de Nazareth peut se mener partout : mène-la au lieu le plus utile pour le prochain. »
Plus on aime, mieux on prie
Le frère Charles a été un contemplatif au grand cœur qui a ouvert sa porte à tous, en particulier aux musulmans. Pour lui, la meilleure prière était celle où il y avait le plus d’amour. Plus les regards de l’âme étaient chargés d’amour devant Dieu, plus grande était la prière. Bref, plus on aime, mieux on prie. Il écrit dans sa 365e méditation sur les Évangiles :
« Dieu ne veut qu’une chose de nous, que nous L’aimions, que nous brûlions d’amour pour Lui. Aimons, aimons, que toute notre occupation soit d’aimer, de contempler le Bien-Aimé, de Lui demander ce qu’Il veut de nous : de penser, dire, faire ce qu’Il veut que nous pensions, disions, fassions. » (Cité dans Charles de Foucauld, Un temps avec Charles de Foucauld, Cerf, 1998, p. 15.)
La prière était toute sa vie. Il la définissait comme un regard d’amour tourné vers Jésus qui nous regarde avec amour, même si nous ne ressentons rien. Il demandait sans cesse à Jésus de lui être fidèle, surtout durant l’heure d’adoration, qui était pour lui « une heure de pleine douceur ». Il écrit à Mgr Guérin, le 30 septembre 1902 : « De 3h30 à 5h30 : adoration; c’est le meilleur moment de la journée après la Messe et la nuit : le travail est fini et je me dis qu’il n’y a plus qu’à regarder Jésus… C’est une heure de pleine douceur. »
Sur son réveil, il avait écrit : « C’est l’heure d’aimer Dieu. Jesus Caritas. » La sonnerie de son réveil l’appelait pour la prière, mais parfois il tardait à se lever, alors il s’excusait auprès de son Seigneur :
« Comme si ce n’était pas une grâce mille fois bénie de m’éveiller plus tôt pour être plus tôt à vos pieds, à vos genoux la tête dans vos mains, à vous dire que je vous aime… comme si le réveil n’était pas votre appel… comme si au réveil ne brillaient pas devant mon âme en lettres étincelantes ces mots : « Il est l’heure d’aimer Dieu! » (Retraite à Nazareth, 10 novembre 1897, cité dans Un temps avec Charles de Foucauld, Cerf, 1998, p. 20)
Le père de Foucauld était confronté au terrible silence de Dieu qui décape l’âme du vernis de l’orgueil. Il expérimentait, à l’instar des mystiques, la privation de tout goût dans la prière, livrant un combat intérieur contre les ténèbres, la sécheresse, le découragement. « La prière m’est difficile : à peine est-elle commencée que tantôt le sommeil, tantôt des pensées insupportables me font la guerre : cette difficulté est de toute heure. » « J’ai besoin de me cramponner à la foi pour rester en prière, et je ne sais même pas si je suis aimé de Dieu, car Il ne me le dit jamais, jamais, jamais. » (Un temps avec Charles de Foucauld, p. 23).
Pour lire la deuxième partie de cet article, cliquez ici.
Lire aussi Les saints, ces fous admirables.
Mon livre: Saint Charles de Foucauld, passionné de Dieu (Emmanuel/Novalis)
Vidéo du premier entretien, d'une série de huit, de ma retraite avec Charles de Foucauld, dans ma chaîne YouTube, ajoutée le 6 mai 2022.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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