Le blogue de Jacques Gauthier
La spiritualité de Thérèse de Lisieux
Premier entretien d'un parcours de quatre vidéos de 15 minutes sur la petite voie de Thérèse de Lisieux dans ma chaîne YouTube.
Sainte Thérèse de Lisieux n’a pas laissé de système théologique avec des propositions découlant les unes des autres ni de traité spirituel où seraient décrites les différentes étapes de la montée vers Dieu. Au mieux, retrouvons-nous quelques synthèses dispersées dans près de huit cents pages de texte, mais il n’y a rien de vraiment systématique. Sa vie est un miniévangile où Dieu se révèle à travers ses souvenirs, symboles, allégories, poèmes. Quand elle écrit, c’est pour faire plaisir à ses sœurs et pour faire aimer Jésus. Elle incarne cet amour dans les petites choses du quotidien, lieu de nos limites, de nos faiblesses et de notre rencontre de Dieu. « Pour moi je ne connais pas d’autre moyen pour arriver à la perfection que “l’amour”. Aimer, comme notre cœur est bien fait pour cela » (LT 109, OC, 415).
Tout miser sur l'amour
La jeune carmélite marche à petits pas avec amour dans la lumière d’une foi profonde. Les mains vides, elle avance au creux d’une nuit qui deviendra de plus en plus obscure, surtout au cours des dix-huit derniers mois de sa vie. Sa pratique de l’amour, puisée avec simplicité et profondeur dans l’Évangile, dégage un savoir original de la gratuité du salut chrétien, révolutionne la spiritualité de son temps, libère d’un moralisme étroit, rend la sainteté accessible à tous, ouvre l’avenir à la confiance et à l’espérance. Son Histoire d'une âme est d’une telle authenticité qu’elle fait un avec son message, dont l’essentiel peut se vivre dans tous les états de vie et dans toutes les circonstances.
Certes, Thérèse est tributaire de son temps. Son époque n’est pas la nôtre. Certains de ses textes nous « parlent » moins dans notre contexte socioculturel. Le piège de l’anachronisme nous guette toujours lorsque nous évoquons les figures du passé. Les expressions populaires de la foi varient avec les époques, les dévotions changent selon les sensibilités, mais la réalité de la foi demeure : Dieu est amour et il nous aime. Thérèse a tout misé sur ce message central de l’Évangile. Nous n’avons pas à copier sa vie, mais à imiter l’amour ardent qui l’animait et qui peut nous inciter à aller de l’avant.
Thérèse a tout de même dépoussiéré des réalités qui sont toujours valables en notre temps : liberté évangélique, simplicité de vie, désir de Dieu, expérience de foi, profondeur de l’espérance, authenticité de l’amour, chemin d’intériorité. Elle rend compte de sa foi en Dieu qu’elle confesse en purifiant, bien malgré elle, le contexte légaliste des pratiques spirituelles de son temps et en purifiant les idées réductrices du Dieu-Amour. Elle a unifié misère humaine et miséricorde divine, pauvreté intérieure et guérison spirituelle, enfance spirituelle et dynamisme de la confiance. Sa petite voie « de confiance et d’amour » (LT 226, OC, 588) reste la pierre d’angle de sa spiritualité.
Comment s'approprier la spiritualité?
Mais qu’entend-on aujourd’hui par spiritualité ? Au sens large, on peut dire qu’il s’agit de l’art de vivre en harmonie avec nous-même et ce qui nous entoure. C’est une expérience d’unification de tout l’être. Pour les croyants, la spiritualité emprunte un chemin de foi qui conduit à la source de l’amour divin en nous, source éternelle et jeune comme notre âme, que la Bible appelle aussi notre cœur.
Qui dit spiritualité dit vie, esprit, souffle, plénitude, intériorité. On peut ajouter, lorsqu’il s’agit de spiritualité chrétienne : désir, engagement, amour, salut, Christ. La spiritualité chrétienne, du latin spiritus, évoque le rapport à la troisième des personnes divines : l’Esprit Saint, le souffle de Dieu. Le style de vie qui s’en dégage se veut conforme à la vie de l’Esprit, reçue au baptême et donnée lors de la résurrection de Jésus. C’est l’art de vivre l’Évangile au quotidien.
On peut se demander comment Thérèse s’est approprié sa spiritualité. En écoutant progressivement ce qui la touchait et la bouleversait, en habitant profondément son cœur et sa prière. La spiritualité se cache dans ce qui nous émerveille, dans ce qui donne un sentiment de joie et de plénitude, dans ce qu’il y a de meilleur en nous. Elle se révèle aussi dans notre manière de rebondir après une chute, dans cet élan de vie qui nous fait reprendre la route après l’épreuve, dans la foi qui nous relie à la miséricorde divine.
La spiritualité de Thérèse ne se résume pas en une pratique ou vertu particulière, mais en une intention fondamentale du cœur qui se manifeste par une ouverture confiante à l’action de Dieu et par un désir brûlant de « vivre d’amour ». Tout Thérèse réside dans ces deux mots : vivre d’amour. Sa vie est un long acte d’amour ininterrompu. Elle fait l’expérience de sa finitude et de sa petitesse qu’elle transforme en espérance en la miséricorde divine. En prenant le risque de l’espérance, qui adopte la forme de la confiance amoureuse, Thérèse insuffle de l’intérieur un dynamisme nouveau à la spiritualité de son temps et du nôtre.
Pour lire mes autres articles du blogue sur Thérèse de Lisieux, cliquez ici.
Pour aller plus loin: Dix attitudes intérieures (Novalis/Cerf)
Thérèse de Lisieux, l'interview. (Emmanuel)
La petite voie avec Thérèse de Lisieux (Artège/Novalis)
Première vidéo de 15 minutes d'une série de quatre sur la petite voie de Thérèse.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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