Le blogue de Jacques Gauthier
Dieu écrit droit avec des lignes courbes
Paul Claudel a mis en épigraphe de sa pièce de théâtre, Le Soulier de satin, ce proverbe portugais assez connu : « Dieu écrit droit avec des lignes courbes. » Le Talmud en propose une autre version : « Dieu écrit droit, même si la lettre est tordue. » Comment déchiffrer cette écriture divine dans nos mots et nos silences ? Toute vie ne se délite-t-elle pas un peu quand on la raconte ? Et pourtant, nous tentons de relever les traces tangibles de cette présence d’amour en nous. Nous voulons trouver les mots que Dieu lui-même a prononcés pour que les choses soient : « Dieu dit : “Que la lumière soit.” Et la lumière fut » (Genèse 1,3)
Le long entretien de la foi
La foi me donne l’assurance, ou la prétention, de parler de Dieu, puisque je suis en contact avec lui depuis ma plus tendre enfance, en partie grâce à l’éducation reçue de mes parents et de l’Église. Rassurez-vous, il n’y a rien d’extraordinaire à cette proximité, à ce long entretien discret qui ressemble à la prière. Je précise ici que le Dieu dont je parle n’est pas celui des philosophes, comme disait Pascal au moment de sa conversion, mais le Dieu de Jésus Christ, c’est-à-dire le Dieu Père, Fils et Esprit.
Cette relation avec la Trinité se vit au quotidien, même si c’est difficile à comprendre. Sa musique ineffable m’enveloppe comme « la nuée » (Exode 34, 5) et me révèle qu’il est le « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » (v. 6). J’en saisis parfois les vibrations dans le silence de l’oraison. Je les perçois dans les essais et recueils de poèmes qui jalonnent ma vie comme des bornes, des points de repère. Ils arrivent souvent au bon moment dans ma marche vers Dieu, comme des oasis de fraîcheur en plein désert.
De son côté, le Christ surgit à l’improviste. Pure gratuité, il me donne la joie de vivre avec le Père dans l’Esprit. « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jean 3, 16). Je ne peux que balbutier ces noms de Père, Fils et Esprit. Devant le mystère ineffable, mieux vaut se taire, ou chanter, avec Brel : « Tais-toi donc, Grand Jacques / Que connais-tu du Bon Dieu ? / Un cantique, une image, / Tu n’en connais rien de mieux. »
Dieu insaisissable
On n’enferme pas Dieu dans des formules, des images, des pensées. Il nous échappe sans cesse. Et pourtant, je continue à parler de lui en pensant à moi. La route reste imprévisible, la tâche inachevée, mais je crois que je suis follement aimé de ce Dieu trinitaire. N’est-ce pas l’essentiel?
Pour le moment, je poursuis ma quête, seul et avec vous, en Église. Je continue à vivre, à reconnaître l’amour de Dieu en moi et autour de moi, à demeurer en sa présence. Est-ce une illusion? Mon existence témoigne du contraire, ainsi que mes amis, les saints et les saintes, qui me conduisent à lui.
J’ai risqué ma vie sur l’invisible amour, et ne suis pas tombé dans le vide. À la fin, je franchirai le fil d’arrivée en dansant, car je sais que je suis attendu, aimé, comme l’enfant prodigue. « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers » (Luc 15,20).
Adaptation de mon livre En sa présence. Autobiographie spirituelle. Artège / Novalis, 2022, 336 pages.
Article paru dans Prions en Église Canada, 4 juin 2023, p. 35-36.
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À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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