Le blogue de Jacques Gauthier
Marie dans la Bible: modèle des croyants
Marie, la « comblée de grâce » n’est pas une sorte de déesse hors du temps, un personnage éthéré loin de notre quotidien. Elle fait partie de cette histoire biblique où des femmes ont eu leur importance, malgré une société fortement patriarcale : Sarah, Myriam, prophétesse et sœur de Moïse, Déborah, Esther, Judith, Houlda, Ruth.
Marie, ou Myriam, qui signifie « bien-aimée de Dieu », est née d’Anne et de Joachim, entre les années 18 et 16 avant Jésus-Christ, selon un écrit apocryphe, le Protévangile de Jacques. Elle aurait été présentée au Temple à trois ans.
Pour bien connaître Marie, rien ne vaut un retour aux sources : la foi de la première communauté chrétienne. L’expression de cette foi se trouve dans le Nouveau Testament. Un premier regard nous montre qu’on y parle assez peu de Marie. Les Apôtres, et surtout saint Paul, furent discrets sur la mère de Jésus. Pourtant ce silence cache des secrets que les premiers chrétiens ont pris soin de noter. N’oublions pas que ce qu’ils racontent est déjà éclairé par leur foi au Christ ressuscité. La reconnaissance de Jésus, Christ et Seigneur, au matin de Pâques, leur permet de confesser la divinité du nouveau-né de Marie.
Celle qui a cru
Luc raconte que Marie était déjà fiancée au charpentier Joseph lorsque l’ange Gabriel lui annonça qu’elle serait la mère du Messie. Les juifs l’attendaient ce Messie, surtout les anawims, ces humbles de Yahwé. Dieu entre charnellement dans notre histoire par l’Esprit qui prend Marie sous son ombre. Grâce à son « Fiat », elle va donner à Dieu son humanité : « Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole. » (Luc 1, 38) Marie accueille le salut; mouvement d’amour qui prend sa source en Dieu, qui va déborder dans l’Évangile et l’Église, jusqu’à nous. C’est la nouvelle Alliance. Tout vient de Dieu, Marie le reconnaît par sa réponse de foi, en vraie fille d’Abraham.
Puis Luc nous montre la jeune mère qui rend visite à sa cousine Elisabeth, enceinte elle aussi. En voyant Marie, Elisabeth proclame la première béatitude de l’Évangile : « Heureuse celle qui a cru. » (Luc 1, 45) Le Magnificat, résumé de l’Ancien Testament, jaillit du cœur de Marie, en reprenant la prière des femmes de la Bible. Son Magnificat prolonge son Fiat et exprime sa joie : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante; désormais tous les âges me diront bienheureuse. » (Luc 1, 46-48)
Ce chant de louange nous révèle la prière de Marie, toute décentrée d’elle-même, pour n’être qu’action de grâce à un Dieu qui fait des merveilles. Ce chant est aussi un cri prophétique. Marie loue Dieu qui disperse les superbes, renverse les puissants, élève les humbles, comble de biens les affamés, envoie les riches les mains vides. Ce cantique est aussi celui de l’Église pour la plénitude de grâces répandues de génération en génération. Il est repris chaque soir à la liturgie des Vêpres.
Celle qui médite dans son cœur
Six mois plus tard, un recensement romain oblige la fille de Sion à partir avec Joseph pour le lieu d’origine de leur famille, Bethléem. C’est là que naquit le Messie sauveur (meschiah). « La terre a donné son fruit; / Dieu, notre Dieu, nous bénit. » (Psaume 66, 7) Huit jours plus tard, l’enfant est circoncis et Joseph lui donne le nom de Yeshoua, « Dieu sauve ».
« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » (Luc 2, 19) Cette attitude d’accueil et d’écoute caractérise la vie intérieure de Marie. Elle ne comprend pas tout, mais elle reste disponible, se plaçant toujours dans l’écoute de la Parole pour la faire passer dans sa vie de tous les jours. La vraie prière n’est rien d’autre qu’ouverture à l’Esprit Saint. Marie est pure capacité de Dieu. Elle lui donne la possibilité d’être pleinement amour en elle, pour ensuite le porter aux autres. Telle est sa prière. Toutes nos annonciations, visitations, naissances découlent de ces grands mystères joyeux que Marie a vécus avec son fils.
Quarante jours après la naissance, Marie et Joseph présentent Jésus au temple. Puis c’est un nouveau départ, rapporté par Matthieu, une fuite en Égypte, pour se soustraire à la colère d’Hérode. De son côté, Luc relate comment Jésus, âgé de douze ans, fut perdu par ses parents, et qu’il enseignait aux docteurs de la Loi dans le temple de Jérusalem. Ce ne fut pas facile pour Marie. Elle fut angoissée devant un tel événement, mais encore ici, Luc note, comme un refrain : « Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements. » (Luc 2, 51) Elle s’abandonne et cherche un sens à ce qu’elle vit, habitant son cœur qui ne fait qu’un avec Jésus. Par sa foi audacieuse, son espérance active, son amour fécond, Marie est un modèle pour tous les croyants.
Marie à Nazareth
Marie et Joseph ont donné à Jésus tout ce qu’il fallait pour qu’il grandisse en sagesse et en grâce. Comme toute juive pieuse, Marie a veillé à la sanctification de son foyer : transmission des valeurs bibliques, préparation des fêtes et des plats traditionnels, purification de la maison et des aliments, création d’une atmosphère d’amour qui marquera à jamais son fils Yeshoua, accueil des neveux qu’on appellera plus tard les frères de Jésus, selon la coutume sémite. Savait-elle que le Talmud prescrivait de faire de sa maison un petit temple et de la table familiale un autel? L’Église reprendra cette idée en désignant la famille chrétienne comme une petite église domestique.
On vivait simplement à Nazareth. Imaginons Marie parler autour du puits avec les femmes de son bourg, prier les psaumes avec Jésus et Joseph, bénir Yahvé à chaque repas, participer aux grands pèlerinages, apprendre par cœur des passages de la Torah et les grandes bénédictions qui commencent ainsi : « Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, Roi du monde… ». L’enfant devait la regarder avec attention lors de l’entrée en shabbat, où il revenait à la mère d’allumer le candélabre. La prière de Marie se nourrissait à même sa vie quotidienne.
Marie, disciple de Jésus
Lorsque les temps furent accomplis, Jésus quitte sa famille pour l’annonce de la Bonne Nouvelle sur les routes de la Palestine, cet Évangile du règne de Dieu qu’il est lui-même. L’évangéliste Jean met en scène la mère de Jésus - c’est toujours ainsi qu’il l’appelle dans son évangile -, aux noces de Cana, où Jésus accomplit son premier signe. Elle dit à Jésus « Ils n’ont plus de vin. » (Jean 2, 3) Et lui de répondre que son heure n’est pas encore venue. Marie, en bonne disciple, dira alors aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira. » (Jean 2, 5)
Marie réapparaît dans l’évangile de Jean qui nous la présente debout au pied de la croix. Jésus lui donne ce même Jean pour fils et il lui confie sa mère. Marie devient la mère des croyants. Le corps de son fils mort est déposé sur ses genoux avant qu’on le porte au tombeau. À l’aube du matin de Pâques, nul ne sait si Jésus ressuscité apparaît à sa mère. Par contre, après la résurrection de Jésus, Marie est présente avec les Apôtres au Cénacle, accompagnant l’Église naissante de sa prière fervente : « D’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » (Actes des Apôtres 1, 14)
C’est tout ce que nous dit le Nouveau Testament sur Marie, mais c’est suffisant pour montrer qu’elle est inséparable du mystère de son Fils. Elle l’a accompagné tout au long de sa vie, fidèle dans les moments importants. Une mère qui a souffert comme elle, qui a vu mourir son fils sur une croix, peut nous accompagner dans nos luttes quotidiennes.
Marie, femme de foi, est celle qui a été la plus proche de Jésus. Femme de l’Évangile, elle nous montre comment le vivre. Disciple de Jésus, elle est un modèle pour tout croyant. Elle nous précède sans cesse et nous montre qu’on reçoit tout de Dieu. Sa prière nous enfante sans cesse.
« Dans la foi de son humble servante le Don de Dieu trouve l’accueil qu’il attendait depuis le commencement des temps. Celle que le Tout-Puissant a faite " pleine de grâce " répond par l’offrande de tout son être. Fiat, c’est la prière chrétienne : être tout à Lui puisqu’Il est tout à nous » (Catéchisme de l’Église catholique, no 2617).
Cet article est le 2e entretien de la neuvaine à Marie que j'ai donnée au Sanctuaire Marie-Reine-des-Coeurs de Chertsey du 14 au 22 août 2021. Voir dans ma chaîne YouTube.
Pour lire le premier article dans le blogue, cliquez ici.
Pour aller plus loin: Saint Joseph, homme de foi (Médiaspaul)
Jésus raconté par ses proches (Novalis / Parole et Silence)
Pour voir les autres articles du blogue sur la Vierge Marie, cliquez ici.
Deuxième entretien de la neuvaine donnée au Sanctuaire Marie-Reine-des-Coeurs de Chertsey. Marie dans le Nouveau Testament et présentation de Bruno Cornacchiola (1913-2001), qui a vu la Vierge Marie à Tre Fontane, Rome.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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