Le blogue de Jacques Gauthier
École de prière (57) Prier avec la création
Note aux abonnés du blogue
À cause d'un problème informatique, plusieurs abonnés du blogue n'ont pas reçu cet article du 4 juillet. Je l'envoie de nouveau. Mes excuses à ceux et celles qui le recevront deux fois. Il se peut aussi que vous n'ayez pas reçu ces deux billets récents, cliquez sur les liens pour les lire: Que penser du karma? Merveilleuse présence eucharistique. Bonne lecture.
Prier avec la création
Nous avons vu aux articles précédents de l'École de prière que les différentes postures dans la prière peuvent nous mener au silence intérieur, nous aider à respirer du souffle même de l’Esprit Saint. Par les différentes attitudes intérieures qu’elles éveillent, les postures révèlent ce qui est caché et permettent d’entrer en relation avec Dieu qui est présent en nous, dans les autres et dans la création.
Une histoire d’amour
Dieu nous a créés de son regard d’amour et il nous invite à reconnaître ses traces dans notre histoire et dans sa création. En priant, nous nous mettons sous ce regard créateur. Nous pouvons prier partout, même quand le temps nous manque. Un simple mouvement du cœur tourné vers Dieu, et voilà que les secondes deviennent prière. Quelle haute occupation, si simple, qui ne prend qu’une minute et que nous pouvons faire en tout temps. Jésus priait ainsi, en tout temps et pour toutes choses, en marchant ou en se reposant.
Notre histoire est inscrite dans notre corps comme des notes sur une feuille de musique. Dieu veut en tirer une symphonie en faisant de nous des hommes et des femmes debout au sein même de sa création à protéger, fruit de son amour. Le pape François en parle avec éloquence dans son encyclique sur l’écologie intégrale : « Tout l'univers matériel est un langage de l'amour de Dieu, de sa tendresse démesurée entre nous. Le sol, l'eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu » (Laudato si', n. 84). Le pape renvoie à Jean de la Croix dans la même encyclique:
"Saint Jean de la Croix enseignait que ce qu’il y a de bon dans les choses et dans les expériences du monde « se rencontre[nt] en Dieu éminemment et à l’infini, ou pour mieux dire, chacune de ces excellences est Dieu même, comme toutes ces excellences réunies sont Dieu même». Non parce que les choses limitées du monde seraient réellement divines, mais parce que le mystique fait l’expérience de la connexion intime qui existe entre Dieu et tous les êtres, et ainsi «il sent que Dieu est toutes les choses». S’il admire la grandeur d’une montagne, il ne peut pas la séparer de Dieu, et il perçoit que cette admiration intérieure qu’il vit doit reposer dans le Seigneur." (Laudato si', n. 234).
La création, si diversifiée dans ses œuvres, évoque l’image du Créateur, même si elle n’est qu’un pâle reflet de sa beauté. Nous entendons sa voix dans le chant des oiseaux, le murmure du vent, le balancement des arbres, le mugissement de l’eau. Entendez-vous l’hymne immémorial du cosmos en écho à l’Hymne éternel ?
Le Cantique des créatures de François d’Assise, appelé aussi Cantique du frère Soleil, est une illustre réponse à cette présence du Seigneur dans la beauté de sa création : « Loué sois-tu Seigneur, dans toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière ; il est beau, rayonnant d’une grande splendeur, et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole. » (Traduction du franciscain Damien Vorreux)
Le livre du Créateur
La création est un livre dans lequel le Créateur se cache et se révèle. L’aimer, la protéger, dialoguer avec elle, c’est rencontrer la Beauté éternelle dans l’un de ses beaux chapitres. On traverse ce livre comme « une forêt de symboles » disait Baudelaire. Les saisons en publient le récit jour et nuit. L’alphabet de ce livre sacré se dévoile à nos sens par la variété des créatures.
Ce langage expressif de la création et de la nouvelle création, on l’entend au-delà de ce que nous pourrions en dire. Sa voix traverse le cosmos, tel un prodigieux prédicateur de la Parole. Jean-Paul II, grand ami de la nature, évoquait ce livre de la création en commentant le psaume 18 : « La création constitue comme une première révélation qui a un langage éloquent: elle est comme un livre sacré dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l'univers » (30 janvier 2002).
Ce livre universel du monde déborde d'un appel de Dieu. Seul celui qui écoute peut entendre cet appel. O éloquence du silence! Car même si aucun mot n’est prononcé, c’est le nom de Dieu que toute la création nous invite à chanter. C’est une pédagogue hors pair qui éveille au recueillement et à la présence de Dieu.
Les centres de silence, comme les monastères et les sanctuaires, nous aident à prier avec la création. La beauté des lieux donne à la vie réelle toute sa densité. C’est Dieu que l’on touche à travers l’environnement et que l’on bénit dans toute créature. Vivre une retraite spirituelle en ces lieux de prière ranime notre foi et nous initie à une spiritualité de la création : ouverture à l’inconnu, rupture avec le train-train quotidien, attente de ce qui n’est pas encore, disponibilité à ce qui advient, abandon à l’inattendu de l’Esprit qui souffle où il veut dans l’instant présent, au cœur même de la création.
Article paru dans Magnificat, juillet 2017, p. 8-11.
Pour aller plus loin: La prière chrétienne, guide pratique (Presses de la Renaissance); Expérience de la prière (Parole et Silence).
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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