Le pape François est retourné à la maison du Père le 21 avril, au matin du lundi de Pâques, à l’âge de 88 ans. Il a succombé à un accident vasculaire cérébral. Il est apparu une dernière fois dans la loge centrale de la Basilique Saint-Pierre pour donner sa bénédiction au monde après la messe de Pâques. Malgré ses difficultés à parler et sa grande fatigue, il tenait à être présent, « en tenue de service », jusqu’au bout. On a lu son texte urbi et orbi sur l’espérance qu’apporte la résurrection du Christ. Qui aurait pu imaginer que ce serait son dernier message ? Ses mots revêtent une signification profonde en cette année jubilaire : 

« Oui, la résurrection de Jésus est le fondement de l’espérance : à partir de cet événement, espérer n’est plus une illusion. Non. Grâce au Christ crucifié et ressuscité, l’espérance ne déçoit pas ! […] Ceux qui espèrent en Dieu mettent leurs mains fragiles dans sa main grande et forte, se laissent relever et se mettent en route : avec Jésus ressuscité, ils deviennent des pèlerins d’espérance, des témoins de la victoire de l’Amour, de la puissance désarmée de la Vie ».   

François a été un pèlerin de l'espérance qui a mené le bon combat de la foi en voyageant dans des pays éloignés de l’Europe. On se souvient de son pèlerinage pénitentiel au Canada en juillet 2022, où il est venu en pèlerin de la paix, prier avec les peuples autochtones marqués par la tragédie des pensionnats. Il vivait « La joie de l'Évangile », titre de sa première exhortation apostolique, en étant près des gens, surtout les plus vulnérables. Il a été un prophète de la fraternité, comme en témoigne son encyclique de 2020 Fratelli tutti, « Tous frères ». Il exhortait à ne jamais se décourager et à pardonner sans cesse, répétant à tout vent : « Ne vous laissez pas voler l’espérance ».  

(Photo que j'ai prise à Rome lors de la canonisation de sainte Marie-Léonie Paradis, le 20 octobre 2024)

Un style au-delà des mots

Le pape François, c’est d’abord un style chaleureux et libre, imagé et concret, qui parle par l'exemple. Un style ouvert sur le dialogue et la rencontre, déconcertant et parfois autoritaire, pour que l’Église soit plus décentrée d’elle-même, une église "en sortie" et en marche, au service des pauvres qui sont en périphéries. Un style qui bouscule l’institution de l’intérieur, l’invitant à changer ses vieilles habitudes et à revoir ses priorités. Ce premier pape jésuite, venu de l’Amérique latine, a réformé la Curie romaine, dénoncé les abus sexuels, prôné une écologie intégrale pour notre maison commune, où « tout est lié », ne séparant pas le cri de la terre et le cri des plus petits.  

François s'est senti en mission dès son ordination le 13 décembre 1969. Élu pape le 13 mars 2013, il demande simplement au peuple rassemblé sur la place Saint-Pierre : « Priez pour moi ». Il se voit comme un homme ordinaire, un pécheur, « choisi parce que pardonné », selon sa devise. Il répète sans cesse que c’est le Christ qui est au centre, pas lui. Il sait bien qu’il ne peut rien faire sans le soutien de la prière et l’aide de l’Esprit Saint. 

Homme rempli de joie et d’humour, son règne est caractérisé par la bienveillance et la miséricorde, plutôt que par la condamnation et le jugement. Il secoue l’Église catholique, la comparant à un hôpital de campagne qui doit agir rapidement pour soigner les plus malades. 

« Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie » (La joie de l'Évangile, no 49).

Un héritage à redécouvrir

Trois verbes clés reviennent tout au long de son pontificat, comme on le voit dans son document sur la famille La joie de l’amour : accompagner, discerner, intégrer. Je retiens surtout de ces nombreux écrits trois documents spirituels qui m’ont touché : Dans la joie et l’allégresse, sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel ; C’est la confiance, sur la spiritualité de sa sainte préférée, Thérèse de Lisieux ; Il nous a aimés, sur le cœur de Jésus. 

Cette dernière encyclique, publiée le 24 octobre 2024, est un peu son testament spirituel. Il se révèle plus que jamais un homme de cœur. On saisit mieux que la spiritualité du cœur de Jésus est la source même de son engagement social et de son pontificat. Il écrit à la fin : « En nous abreuvant de cet amour, nous devenons capables de tisser des liens fraternels, de reconnaître la dignité de tout être humain et de prendre soin ensemble de notre maison commune. » (no 217)

En ces temps d’incertitudes et de polarisation, l’humanité perd un homme bon, un guide précieux. Nous n’avons pas fini d’approfondir l’héritage très varié qu’il nous a laissé, comme ses textes sur l'importance de la littérature, le dialogue interreligieux, le sens de la liturgie, la synodalité en Église, les limites de l'intelligence artificielle. Il n’a pas seulement annoncé l’espérance, mais il en a donné des signes pour notre temps en protégeant la dignité de chaque personne, comme les migrants et les jeunes, en s’engageant contre la peine de mort et la pauvreté, en luttant pour la paix et la transmission de la vie. 

Je ne peux que rendre grâce à Dieu pour tout l'amour que ce pape des pauvres a donné à l'Église et au monde. J'ai aimé cet homme humble, libre, priant, grand ami de saint François et de la petite Thérèse. J’espère que, comme elle, il passera son Ciel à faire du bien sur la terre. 

Des extraits de ce texte ont été publiés dans Le Devoir (Montréal) du 23 avril et dans La Croix (Paris) du 25 avril. 

J’ai écrit une quinzaine d’articles sur la vie et les écrits du pape François. Vous pouvez les lire en consultant cette liste de mon blogue. 

Regarder aussi mes vidéos sur le pape François dans ma chaîne YouTube: cliquez ici. 

Sur l'influence du pape François dans ma vie, voir mon autobiographie: En sa présence (Artège/Novalis, 2022).  

Regarder ma vidéo du 22 avril 2025 sur l'héritage spirituel que nous laisse le pape François, dans ma chaîne YouTube, ou ici: