Le blogue de Jacques Gauthier
12 juillet: Saints Louis et Zélie Martin
Louis Martin, horloger-bijoutier, et son épouse Zélie Martin, dentellière, se marient à Alençon le 12 juillet 1858. Ils ont neuf enfants, mais quatre mourront en bas âge. Leurs cinq filles, Pauline, Marie, Léonie, Céline, Thérèse, deviennent toutes religieuses. Quatre entrent au carmel de Lisieux. Seule Léonie suit le Christ au monastère de la Visitation de Caen, sous le nom de sœur Françoise-Thérèse. Sa cause de canonisation a été officiellement acceptée à Rome le 3 février 2021.
On connaît surtout la benjamine, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (1873-1897), docteur de l’Église. Elle avait déjà reconnu la sainteté de ses parents en écrivant à l’abbé Bellière : « Le bon Dieu m'a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la terre » (Lettre 261). Elle remerciera souvent le Seigneur de lui avoir donné une famille où Dieu était le premier servi.
La vocation de mariage
Louis et Zélie Martin n’ont pas été canonisés parce qu’ils sont les parents de la petite Thérèse, mais par l’exemple de leurs vies données au service des autres et de Dieu dans le sacrement de mariage. Ces laïcs ordinaires ont pris au sérieux la vocation universelle à la sainteté en mettant Dieu à la première place dans leur foyer, le servant dans la prière fervente et l’amour des plus pauvres. Ils n'ont pas recherché les honneurs et les premiers rangs, ils ont voulu aimer jusqu'au bout.
Nous rêvons si souvent de grandeur et de pouvoir, de « carriérisme », dirait le pape François. Jésus invite à ne pas être au-dessus de tous, mais au service de tous, en sortant de nos égoïsmes qui nous enferment dans l’indifférence. Avec Jésus, qui est venu non pour être servi, mais pour donner sa vie, le premier arrivé est le premier à servir. C’est ce qu’on fait les parents Martin.
Béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux lors d'une cérémonie présidée par le cardinal José Saraiva Martins, celui-ci rappelait dans son homélie que parmi les vocations, celle du mariage est l'une des plus nobles et des plus élevées : « Louis et Zélie ont compris qu'ils pouvaient se sanctifier non pas malgré le mariage mais à travers, dans et par le mariage, et que leurs épousailles devaient être considérées comme le point de départ d'une montée à deux. »
Le 18 mars 2015, le pape François reconnaissait comme authentique un deuxième miracle attribué à l'intercession des bienheureux Louis et Zélie Martin. Le 18 octobre 2015, lors du synode sur la famille à Rome, il offrait aux couples un modèle concret en les canonisant ensemble, une première dans l’histoire de l’Église. François montrait ainsi que le mariage et la vie de famille forment un chemin de sainteté aussi efficace que celui de la vie religieuse. Il disait dans son homélie : « Les saints époux Louis Martin et Marie Azélie Guérin ont vécu le service chrétien dans la famille, construisant jour après jour une atmosphère pleine de foi et d’amour ».
La rencontre providentielle
Louis Martin naît le 22 août 1823 à Bordeaux. Il apprend le métier d'horloger. Il désire entrer au monastère du Grand-Saint-Bernard, mais sa candidature est refusée car il ignore le latin. Après trois années à Paris, il ouvre une horlogerie-bijouterie en 1850 rue du Pont Neuf à Alençon. Il reçoit chez lui ses parents âgés et un neveu orphelin. Sa foi est vive : messes le dimanche et en semaine, adoration du Saint-Sacrement, pèlerinages, engagements sociaux. De tempérament calme et méditatif, il est toujours célibataire à 35 ans, au grand regret de sa mère. Mais la rencontre de Zélie sur le pont de Sarthe à Alençon changera son existence. Ils se marient le 12 juillet 1858 à l'église Notre-Dame d'Alençon.
Azélie-Marie Guérin, qu'on appellera Zélie, naît le 23 décembre 1831 à Gandelain, village de l'Orne. Elle a une sœur aînée, Marie-Louise; son frère Isidore naîtra dix ans plus tard. Ses parents s'installent à Alençon. Zélie n’est pas heureuse; elle vit une relation difficile avec sa mère. Son éducation austère la pousse au scrupule, comme c’était souvent le cas à son époque. Elle aspire assez tôt à la sainteté, songeant même à devenir religieuse à l'Hôtel-Dieu d'Alençon, mais la supérieure l'en dissuade. Déçue, elle devient dentellière et excelle dans le point d’Alençon, ouvrant une boutique à 22 ans avec sa sœur, qui la quittera pour entrer au couvent des Visitandines du Mans sous le nom de sœur Marie-Dosithée. C’est à l’âge de 27 ans qu’elle se mariera avec Louis.
Chez les Martin, la vie est réglée autour de cet absolu qu’est Dieu. On fait confiance en sa Providence et on pratique l’abandon à sa volonté dans les menus détails. Tout dans la famille est occasion de prière, en lien avec le cycle liturgique de l’Église. La sainte famille de Nazareth leur sert de modèle. Le père, la mère et les enfants veulent s’aimer de l’amour même de Dieu.
Malgré les multiples grossesses et une maladie du sein qui progresse depuis 1863, Zélie demeure très énergique; elle emploie jusqu'à une vingtaine d'ouvrières pour son entreprise. Louis vend son horlogerie et aide sa femme à administrer son commerce. Thérèse naît le 2 janvier 1873, avant d'être rapidemement mise en nourrice, car sa santé chancelle. Elle perd sa mère le 28 août 1877 d’un cancer du sein. Après dix-neuf de mariage, Louis s’installe à Liseux avec ses filles.
Solitude et solidarité
Si Thérèse a tant parlé de la miséricorde du Père, c’est qu’elle a eu un modèle dans sa vie. À 55 ans, Louis Martin est presque un grand-père pour elle. Elle écrit dans son Histoire d’une âme qu’elle n’avait «qu’à le regarder pour savoir comment prient les Saints» (A 18r). Compensant pour la perte de la mère, il est chef à sa façon d’une famille monoparentale. Bien que contemplatif dans l'âme, il entretient toute une vie relationnelle à Alençon, surtout à la conférence de St Vincent de Paul et les Cercles Catholiques ouvriers.
On retrouve chez les Martin ces deux pôles: solitude et solidarité. Solitude, par leur vocation propre à suivre le Christ et leur réponse singulière à cet appel; solidarité, qui se traduit par l’entraide et le soutien mutuel sans qu’il y ait la moindre trace de jalousie. Solitude, à cause de la mort de Zélie; solidarité, puisque Louis ne fera pas obstacle au désir de ses filles d’être religieuses. Lui-même s’offrira totalement à Dieu, accueillant l’épreuve comme une grâce.
En mai 1888, une artériosclérose cérébrale le plonge dans des crises de délire. Sa santé se détériore. Il vit la grande humiliation de perdre la tête. Il est enfermé à l’asile, « chez les fous », selon l'expression à l’époque, mais il accepte tout pour la plus grande gloire de Dieu. Il passe ainsi trois ans à l’hôpital psychiatrique, ce qui ne l’empêche pas de vivre sa foi et de vouloir aimer jusqu’au bout, à la suite du Christ. On le laisse sortir en 1892, mais il ne peut plus marcher et parler. Il s’éteint sereinement le 29 juillet 1894.
En canonisant Louis et Zélie Martin, l’Église nous les propose comme des amis qui désormais nous accompagnent « sur la route du service joyeux des frères » (Homélie de François, 18 octobre 2015). Leur fête liturgique au calendrier des saints est fixée le 12 juillet, date anniversaire de leur mariage.
Extrait de la nouvelle édition Les saints, ces fous admirables (Novalis / Béatitudes).
Publié aussi sur le site 1000 raisons de croire.
Pour aller plus loin:
Thérèse de Lisieux, parole d'espérance pour les familles (Béatitudes).
Léonie Martin. Qu'est-ce qu'on va faire de toi? (Première Partie).
Thérèse de Lisieux. L'interview (Emmanuel).
Dix attitudes intérieures (Novalis).
Prier en couple et en famille (Parole et Silence).
Vidéos de ma chaîne YouTube sur la sainteté et les Martin, ajoutées les 12 novembre 2020 et 21 juin 2022.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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