Samedi après-midi, 27 avril. On nous annonce des orages. Je pense sans raison à Jean-Pierre Ferland. Je me demande où il est, comment va-t-il? Quelques heures plus tard, j’apprends avec émotion qu’il est décédé de causes naturelles dans un CHSLD de Lanaudière à l'âge de 89 ans. Je n’en reviens pas de cette prémonition; j'en parle à mon épouse. On fredonne Le soleil emmène au soleil : « Partir quelque part pour partir », sans oublier la fin, « Oh! comme c'est beau / Vu d'en haut ». Je me rappelle aussi l'envoûtante Je ne veux pas dormir ce soir. Je n’ai jamais rencontré l’auteur-compositeur qui s’est souvent défini comme un simple « faiseux de chansons ». Il ne se disait pas poète, car il se faisait une très haute idée de la poésie, et pourtant il l’était profondément. Il a gardé son cœur d’enfant et sa capacité de rêver, de s’émerveiller, de se renouveler. Il habitait les mots comme son...
Le blogue de Jacques Gauthier
Surtout connu au Québec et en France comme humoriste – 7000 personnes l’acclamaient le 30 octobre 2022 au Centre Bell de Montréal – le comédien Gad Elmaleh suscite la curiosité du milieu catholique français depuis plusieurs mois. De confession juive, on l’a vu à Lourdes comme pèlerin, au Collège des Bernardins comme étudiant, aux sessions de l’Emmanuel, et j’en passe. Il fait la une des journaux et magazines pour son film « Reste un peu », où il évoque sa quête spirituelle et son intérêt pour la religion catholique. La journaliste Youna Rivallain, du magazine La Vie, l’a interviewé. Il lui raconte son expérience de foi en toute simplicité dans un article paru le 9 novembre 2022 : Je rêve du moment où on se parlera vraiment. L’important n’est pas de savoir s’il est juif ou catho, mais de le voir cheminer dans une foi ouverte sur le monde, en ce temps où Dieu est devenu...
Au commencement du commencementà partir de l’origine éternellebien avant la genèse de l’atomeau commencement sans commencementétait le Verbe Antérieur à toute ébauche historiqueloin d’une première esquisse d’arthors du vent solaire de notre univers à un point de départ de nulle partétait le Verbe Avant que surgisse l’aube nouvelleque la fraîche rosée humecte la terreque la fleur s’abreuve à la source avant le premier fruit du premier germeétait le Verbe Avant le premier son le premier motavant que coule une larme de femmelà dans l’embryon d’un divin silencedu premier regard du premier baiserétait le Verbe Par-delà le temps et l’espacel’élan de vie au cœur de l’enfant le saint désir au désert et à la mer la prière de louange sur la montagne était le Verbe « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jean 1, 14) Je vous...
Ce que l’on peut expérimenter de plus beau et de plus profond, disait Einstein, c’est « le sens du mystère ». Il ajoutait que ce principe sous-tend la religion et toute entreprise artistique et scientifique sérieuse. L’expérience du mystère prend la couleur de la relation que chacun vit avec lui-même, le monde, les autres, Dieu. Pour les mystiques, le mystère est une voie d’accès à la connaissance que le rationalisme ne peut pas tout expliquer. Leurs écrits nous en apprennent beaucoup sur les rapports entre le désir et le don, l’absolu et l’amour, le corps et l’âme, la parole et le silence, la liberté et la vérité, l’humain et le divin. Notre monde sécularisé avec ses préjugés aurait tort de se priver de ces auteurs uniquement parce qu’ils parlent de foi, de religion, de Dieu. Leurs textes ont une valeur en soi et font partie de l’histoire littéraire. L’épopée de la...
En apprenant la mort de Michael Lonsdale, une scène du très beau film Des hommes et des dieux sur les moines de Tibhirine m’est revenue à l’esprit. Dans un dialogue savoureux avec son prieur, frère Luc, magnifiquement interprété par Lonsdale, déclare qu’il n'y a pas de véritable amour de Dieu sans un consentement à la mort. Avant de quitter la pièce, il regarde son prieur avec un air moqueur et lui dit : « Laissez passer l’homme libre ». Il me semble que tout Lonsdale est dans cette réplique. Il était libre parce qu’il aimait, et pas n’importe quel amour. En 2003, lors d’une rencontre à son domicile parisien, le journaliste Luc Adrian lui demanda : « Que possédez-vous de plus cher » ? Il répondit : « L’amour du Christ ». « Quel serait votre plus grand malheur ? » Il reprit : « Ne plus aimer ». La parole biblique qui l’enchantait : « Dieu est amour ». Et le passage d’Évangile qu’il préférait était le lavement des pieds :...
Dieu n’est pas seulement le « Bon Dieu » qui se donne à chaque instant, mais aussi le « Beau Dieu » que le cœur aime et qui éclaire toute chose. « À travers la grandeur et la beauté des créatures, on peut contempler, par analogie, leur Auteur » (Sagesse 13, 5). La beauté de la nature La nature nous révèle quelque chose de la beauté de Dieu et nous unit à lui, témoigne la bienheureuse Dina Bélanger dans son Autobiographie. « La nature avec ses beautés et ses richesses variées : crépuscules, clairs de lune, plantes, fleurs, fruits, ruisseaux, rivières, papillons, chants d'oiseaux, etc. me jetaient dans une sorte d'extase. La tiède haleine des vents, le murmure jaseur des feuilles, le grand silence du soir, le sourire des étoiles m'enivraient. Cette rêverie était, à mon insu, une méditation pieuse. Elle allait devenir de plus en plus profonde, s'appeler bientôt une contemplation, me...
Le livre Val Notre-Dame. L’abbaye dans les bois, des photographes Bruno-Jean Rotival et frère Bruno-Marie, a été couronné en mai 2018 du prix Livre à thématique spirituelle de Communications et Société. Le jury a tenu à souligner la qualité, la beauté et l'universalité de cet ouvrage photographique «qui présente un beau paradoxe : des moines ouverts sur le monde vivant cloîtrés dans un monastère.» Un prix a ceci de bon qu’il donne parfois une nouvelle vie à une œuvre. Il y a déjà quelques mois, j’avais lu et contemplé ce beau livre. Je voulais en parler sur ce blogue, mais d’autres articles ont monopolisé mon temps, puis j’ai oublié. Il faut dire que j’ai un attachement particulier à cette communauté cistercienne, puisque je l’ai connue de l’intérieur lorsqu’elle était enracinée à Oka, où j’ai vécu une expérience monastique de 1973 à 1977. De plus, il y a deux ans, j’ai donné la retraite...
Le 3 octobre 1982, Jean-Paul II avait proclamé bienheureux le peintre dominicain Giovanni de Fiesole, mieux connu sous le nom de « Fra Angelico », le frère angélique. Il l’avait fait motu proprio, c’est-à-dire de son propre mouvement, de sa pleine autorité, sans attendre qu’un miracle soit officiellement reconnu. Ce pape ami des artistes, lui-même poète, comédien dans sa jeunesse, avait ainsi donné aux artistes un patron et un modèle. Cette parole du Christ prend ici toute sa couleur : « Tout arbre bon donne de beaux fruits » (Mt 7, 17). Le peintre angélique Fra Angelico naît à Vecchio, près de Florence, vers 1400. Il reçoit au baptême le prénom de Guido. Après avoir appris le métier de peintre et de miniaturiste à Florence, il fait partie des « Compagnons de Saint Nicolas » dans l’Église du Carmel. Attiré par la vie religieuse, il entre chez les Frères Prêcheurs qui vivent à Fiesole dans le couvent de...
Je me souviens de Sylvie Paquette, elle devait avoir 18 ans. C’était au début des années 80. J’étais animateur au Café Chrétien à Sainte-Thérèse-de-Blainville. Un soir, Sylvie était venue avec sa guitare, et sa mère, je crois, pour nous partager sa quête de joie. La passion était au rendez-vous, la voix aussi. Que de chemin parcouru depuis ! De Jésus à Anne Hébert, pourquoi pas ? Avec son album Terre originelle, c’est le retour aux grands courants bibliques qui ont nourri la culture et l'imaginaire de l’auteure des Songes en équilibre. Le poème Amour, qui n’est pas sans rappeler le souffle mystique du Cantique des Cantiques, ouvre magnifiquement l’album. La chanteuse, avec juste ce qu’il faut de fragilité et de maturité dans la voix, s’approprie les mots d’Anne Hébert pour en faire sa substance, comme s’ils coulaient dans ses veines. « Toi, la vigne et le fruit; toi, le vin et l’eau; toi, le...
Regarder un film est une expérience personnelle qui demande une disponibilité, une ouverture, un abandon. On veut bien embarquer dans l’histoire, croire ce que l’on voit, mais ça prend d’abord un bon scénario, puis un cinéaste talentueux, sans oublier les comédiens, costumes, images, bande sonore. Bref, c’est tout un défi, et c’est ce qui fait que le cinéma est un art. Je suis allé voir Le jeune Messie avec mon épouse et nous avons été déçus. Dans l’ensemble, il n’y a rien de contraire à la tradition catholique, rien qui ne heurte la foi chrétienne. Pourtant, on n’y a pas cru parce que le scénario est cousu de fil blanc. Trop de longueurs, de scènes plaquées, où l’on voit Jésus à sept ans accomplir des miracles, se demander d’où lui viennent ses pouvoirs cachés, alors que sa famille le sait, même son cousin Jacques. C’est une sorte de magicien, un Jedi à...
En 2011, Pierre Nepveu a publié une biographie exhaustive du poète Gaston Miron (Boréal, 900 pages) qui m’a beaucoup plu. J’ai retrouvé le même plaisir de lecture dans « la » biographie que Michel Biron vient de consacrer à de Saint-Denys Garneau. Les deux professeurs de littérature ont effectué des recherches exemplaires sur ces poètes majeurs du Québec. Ils ont dépouillé des fonds d’archives, rencontré les proches, retrouvé des textes inédits et des photos, nous brossant ainsi des portraits inoubliables de ces hommes et du Québec d’alors. Il est tout de même étonnant qu’il n’y ait pas eu avant aujourd’hui une véritable biographie de Garneau qui, après avoir publié en 1937 son unique recueil, Regards et jeux dans l’espace, à l’âge de vingt-cinq ans, cessa d’écrire, quitta ses amis et mourra d’une syncope cardiaque six ans plus tard. Michel Biron le reconnaît dans l’avant-propos : « comme si on préférait entretenir le mystère de son...
On a déjà beaucoup écrit sur les attentats de Paris. Importants les mots, même s’ils sont limités et imparfaits, comme nous. Mais devant une telle barbarie, ils me restent en travers de la gorge. Car il y a aussi Bagdad, Beyrouth, Damas, et d’autres villes où le terrorisme frappe aveuglément, entraînant les pays dans une spirale guerrière. Pourquoi ? Comment s’en sortir ? Les mots sont impuissants à répondre, le silence s’impose pour laisser place à une prière de compassion. Et pourtant, il faut continuer à parler, écrire, aimer, comprendre, vivre. Il faut dénoncer sans relâche cette idéologie perverse qui sème le chaos et la peur, bafoue la dignité humaine, détourne l’islam de son sens profond, se sert de Dieu pour en faire une arme de destruction. Comment peut-on usurper son nom de « miséricordieux » en justifiant les meurtres ? Le pape François le rappelait dans son Angélus du 15 novembre : « Je tiens à...
Dans l’encyclique Laudato si’ sur l’écologie intégrale, François reprend les premiers mots du Cantique des créatures du Poverello d’Assise : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre » (n. 1). Il termine par deux prières, invitant les croyants à la louange pour ne pas sombrer dans le pessimisme et le relativisme : « Marchons en chantant ! Que nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l’espérance » (n. 244). Nous rapprocher de Dieu Le chant accompagne nos rites et nos fêtes. Il donne de l’élan à nos prières, soutient notre foi et nous rapproche de Dieu, comme l’exprime cet extrait de la Préface eucharistique IV : « Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ,...
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